Native de Val-d’Or, Virginie Blanchette-Doucet enseigne aujourd’hui la littérature au Cégep de Saint-Hyacinthe. Elle est prof, notamment, de création littéraire, tout en étant déléguée syndicale, maman, amoureuse et, surtout, écrivaine. Virginie s’intéresse à l’humain, il n’y a aucun doute. Elle sort son premier roman, 117 Nord (Boréal), après sa maîtrise en création littéraire. Elle participe ensuite à deux recueils, Stalkeuses (Québec Amérique) et Prendre pays (Quartz).  

Cette année, elle nous offre Les champs penchés (Boréal) et Canons. Onze déclarations d’amour littéraire (VLB). Petite incursion dans son univers littéraire, parfois quasi onirique, mais toujours groundé. La littérature de Virginie Blanchette-Doucet fait du bien. Elle est tragiquement humaine et lumineuse, tout à la fois. 

LA CONSTANCE DE L’ÉCRITURE 

Virginie Blanchette-Doucet écrit chaque jour. C’est un impératif. Elle déverse ses mots dans des carnets, en torrents, pour, plus tard, reprendre une phrase (ou plusieurs) et en faire un fragment, une histoire, un tableau, une rivière. Cette accumulation quotidienne est nourrie des activités de l’autrice, de ses engagements professoraux et syndicaux, mais aussi de sa sensibilité. Elle a eu un parcours en danse, et ce don qu’elle a de déceler les tensions dans les corps de ses protagonistes n’est pas étranger à son expérience. Elle cherche à nommer l’essentiel qu’elle sent vibrer dans les situations, entre ses personnages, dans sa vie aussi.  

L’écriture quotidienne lui permet ainsi de noter toutes ces petites impressions, ces petits moments volés à la mémoire, et de les garder précieusement, terreau fertile pour ses grandes histoires romanesques. Car il ne faut pas se méprendre : avec 117 Nord comme avec Les champs penchés, les pages contiennent la grandeur de l’humanité, et on se réjouit que son nouvel opus soit près du triple du premier! 

FRAGMENTER LE RÉEL 

L’écriture de Virginie Blanchette-Doucet se déploie en fragments. On accumule des moments, une intimité découpée, une narration en aller-retour. Si la chronologie est chaotique et que, parfois, on a l’impression qu’il nous manque une clé, l’évolution de notre lecture se fait tout de même naturellement. On parfait l’histoire dans notre propre identification aux personnages et, une fois la lecture terminée, ce n’est plus grave si un détail reste flou : les personnages vivent en nous et cheminent avec nous. Là est la plus grande force de cette autrice : nous offrir une porte dans une humanité qui nous habite. 

De toute façon, l’autrice ne veut pas enseigner au lectorat quoi retenir de ses histoires : ce flou artistique, s’il en est, est volontaire. L’histoire est soutenue par la forme des fragments et on y avance comme dans notre mémoire. Un peu d’images fortes, qui s’embellissent peut-être avec le temps, mais qui nous marquent, un peu d’émotions fortes qui transpercent, sans jamais blesser, et l’impression d’être toujours en équilibre, un pied sur une roche différente, glissante, dans le ruisseau. 

Cette recherche d’équilibre a commencé dans 117 Nord, où on alternait entre deux villes, Val-d’Or et Montréal. Dans Les champs penchés, on a un pied posé sur la Nouvelle-Zélande et un dans les prairies canadiennes! SI la distance peut sembler dévastatrice pour les personnages, les liens entre eux demeurent inébranlables, parfois inexpliqués dans leur force, mais tellement humains.  

LES CHAMPS PENCHÉS 

Il est difficile de résumer ce roman extraordinaire tant dans sa forme que dans sa trame thématique et narrative. Disons simplement que les destins de personnages s’entrechoquent entre les prairies enneigées et les rivières chaudes et exotiques. Une famille cohabite avec une grande blessée, les aïeuls sont laissés derrière (mais ne sont jamais bien loin) et la vie coule pour eux sur leur fermette. Malgré les tâches quotidiennes qui occupent, les douleurs du passé vont réapparaître alors qu’on ne s’y attendait pas. Les cycles de l’amour comme ceux de la violence hypnotisent les lecteurs.  

Pour Virginie Blanchette-Doucet, il faut écrire sur ce que l’on connaît : si on a retrouvé le jargon minier dans 117 Nord, les paysages qu’elle a réellement traversés sont présents dans Les champs penchés. En découle une écriture quasi impressionniste, sensorielle, qui nous projette dans les décors évoqués. D’ailleurs, on note l’importance de la nature dans son écriture, car la forêt a bercé sa jeunesse : on sort peut-être une fille du bois, mais… 

Crédit photo : Guillaume Dumais
Crédit photo : Guillaume Dumais

Auteur/trice

Après avoir enseigné le français, le théâtre et la littérature au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, Gabrielle Demers oeuvre dans le domaine de la pédagogie universitaire. Elle s’adonne aussi à la performance, aux installations artistiques et aux arts imprimés. Elle se questionne sur les enjeux actuels liés à la féminité dans l’espace public, entre autres.