Le sentez-vous, ce vent de changement qui souffle depuis le retour des vacances estivales?
Bien qu’il soit encore tôt, tout semble indiquer la fin imminente du règne majoritaire du Parti conservateur, dont le programme de campagne a complètement dérapé, éclipsé par un mot de cinq lettres : Duffy. Pourtant, notre leader Stephen peut se targuer de laisser un bilan exceptionnel : à travers toute l’histoire de la fédération canadienne, il est effectivement difficile de trouver un autre gouvernement ayant mis autant d’efforts à saccager l’environnement et les négociations internationales sur le climat, la réputation du Canada à l’étranger, la recherche scientifique, le sort de ses vétérans et de ses populations autochtones, le système judiciaire et le pouvoir de discrétion de la magistrature, le droit à la vie privée, la sécurité du transport des matières dangereuses, le diffuseur public, la transparence et l’accès à l’information, ainsi que la culture – à moins de considérer ici que les portraits de la reine et les célébrations de la guerre de 1812 constituent les pierres angulaires de la culture canadienne. Cet homme et son parti ont également réussi à concentrer plus que jamais le pouvoir entre les mains d’une seule personne, réduisant ainsi le rôle des députés à de simples pantins à cassettes. Qui a dit que les Conservateurs n’étaient bons à rien? L’entendez-vous souffler, ce vent?
Un vent de changement, donc. Mais quel changement, au juste? Justin, certes un boxeur de bon calibre en politique-spectacle, mais dont le contenant semble l’emporter haut la main sur la vacuité du contenu, et qui a appuyé sans condition le projet de loi liberticide C-51 des Conservateurs? Thomas, ce grand admirateur de Thatcher dans une autre vie, qui a réduit au silence tous les députés qui croient que le conflit israélo-palestinien ne se réduit pas à un film de Rambo, entre les bons et les méchants? Celui pour qui les pipelines sont inacceptables au Québec, sauf quand il parle ailleurs qu’au Québec? Et que penser de Gilles, ressuscité tel un phénix depuis quelques mois, qui aspire à devenir le défenseur ultime de nos intérêts collectifs, malgré une projection actuelle de zéro siège et la certitude absolue que même si son parti raflait tous les sièges au Québec, il serait tout de même condamné à ne pouvoir poser que des questions à un gouvernement qui de toute façon fera la sourde oreille? Oups! Mon bulletin de vote s’est envolé au vent.
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Autre changement qui souffle sur nous, cette fois-ci en provenance du gouvernement de Martin Coiteux Philippe Couillard, qui nous annonçait de magnifiques nouvelles à la mi-août : imaginez-vous donc qu’on envisage maintenant des baisses d’impôts! Après s’être fait répéter pendant 17 mois que le Québec n’avait pas les moyens de se payer ses programmes sociaux et vivait au-dessus de ses moyens, on a désormais les moyens de payer moins d’impôts! Rien de moins que de la magie. Ou non. Brise douce-amère.
C’est Gabriel Nadeau-Dubois, ce jeune anarchiste/extrémiste/gau-gauche/du Plateau/pelleteur de nuages/trouve-toé-une-job qui a le mieux résumé la situation par rapport à ces hypothétiques baisses d’impôts sur les médias sociaux : « Baisses d’impôts, déficit, austérité, baisses d’impôts, déficit, austérité [rincez et répétez assez pour que le message soit bien assimilé]. Vous saisissez la logique? » Oui, trop bien.
Bien sûr, nos chers députés libéraux bien serviles pourront arguer que des impôts plus bas dynamiseront l’économie en favorisant l’investissement des entreprises québécoises – soit en augmentant les dépenses en recherche et développement ou en augmentant leur capacité de production. Eh bien il se trouve que… non. Les entreprises québécoises – et canadiennes – dorment sur une montagne d’argent : 604 milliards de dollars de liquidités pour l’ensemble du pays en 2013, soit 32 % du PIB qui n’est pas réinvesti dans l’économie, ce qui place le Canada (et le Québec de surcroît) parmi les cancres en matière de proportion de liquidités non productives. D’où provient cette analyse? De la prestigieuse revue britannique The Economist, qu’on ne pourra certainement pas accuser de défendre un agenda socialiste.
À quoi serviront donc ces baisses d’impôts? De cadeaux empoisonnés pour berner l’électeur moyen, qui oubliera rapidement que tous ses programmes sociaux sont taillés en pièces, petit à petit, alors que le prix des services, lui, ne cesse d’augmenter. On troque donc des revenus d’impôts progressifs et équitables par l’augmentation des frais de service fixes (Hydro, CPE, scolarité, permis, etc.) inéquitables, qui pénalisent beaucoup plus les ménages à faibles revenus, les étudiants, et les aînés. Résultat? Le lent démantèlement de l’État, accompagné d’une augmentation de la disparité de la richesse. Rincez et répétez. À la fin, il ne restera plus rien.
Bref, il y a un vent qui souffle actuellement, pas de doute là-dessus. Mais pourquoi son odeur rappelle-t-elle alors celle d’une étable bondée par temps de canicule? \