1. Cinéaste(s) préféré(es) en ce moment : Je ne regarde pas de films ces temps-ci… J’suis plate hein? Quand je suis en écriture et en préparation, je ne regarde rien. Mais ce que je peux dire c’est que ce que je vois qui se fait au Québec présentement est d’une qualité inouïe. Avez-vous vu FAUVE de Jérémy Comte, un des courts métrages québécois nommé aux Oscars. C’est un des meilleurs courts métrages que j’ai vus de ma vie. Et Une colonie de Geneviève Dullude-Decelle? Ça a l’air d’une beauté sans nom. Il y a vraiment du beau cinéma qui se fait ici présentement!
  1. Musique qui influence son travail actuel : Mon amour sera toujours infini pour Max Richter mais présentement il y a un québécois qui le détrône dans mon cœur et c’est le transcendant pianiste Jean-Michel Blais. La musique de ce gars-là est sublime. Ses envolées font en sorte que, peu importe ce que tu fais quand tu les entends, tu dois tout arrêter pour écouter. Parce que sa beauté s’impose. Elle écarte tout autour. Quand sa musique joue, on dirait que le temps s’arrête. Et quand je l’écoute en écrivant, ça m’apporte une incroyable inspiration. J’ai l’air too much en parlant de sa musique mais c’est vraiment ce qu’elle me fait haha! Et pour Souterrain, ce qu’on retrouve dans ma playlist à part Richter et Blais, c’est la soundtrack de Prisonners et celle de Sicario de feu Johann Johannsson. En fait, je me rends compte que Denis Villeneuve fait probablement partie des cinéastes qui m’inspirent présentement à cause des ambiances et des moods qu’il arrive à insuffler dans ses films. J’ajoute aussi le Dunkirk de Hans Zimmer! Oh my god que c’est bon! 
  1. Ce qui importe le plus pour elle en casting : En audition, je ne cherche pas un physique précis et je n’ai pas une idée arrêtée sur le personnage. Je cherche une énergie et une connexion avec l’acteur. Je veux savoir si la conversation est possible, si on se comprend, si on est sur la même longueur d’onde. Je cherche un match entre lui et moi. Si on ne se ressemble pas un peu, je ne crois pas qu’on pourra bien travailler ensemble. Je suis donc ouverte aux surprises et aux découvertes. J’attends les coups de cœur et je me laisse guider par mes intuitions. Mes décisions ne sont pas intellectualisées, elles viennent de mes tripes.
  1. Ce qui en ce moment est un défi pour les cinéastes du Québec : Définitivement faire leur place dans la jungle. Il y a de plus en plus de talents et pas assez d’argent pour appuyer tous ces artistes. Les entrées en salle de Chien de garde ont atteint des records même si nous avions un tout petit budget de promotion et de production, même si c’était un premier film et même s’il ne regorgeait pas de vedettes. Ça prouve que le public est intéressé à venir nous voir, coûte que coûte. Et puis les films d’ici se démarquent à l’étranger. Deux courts métrages québécois aux Oscars sur cinq nominations, vous vous rendez compte? Et presque chaque année, des Québécois font fureur dans des gros festivals comme ceux de Berlin, Rotterdam, Venise, etc. On en a beaucoup de talent… mais on n’a pas les budgets pour faire tous ces superbes films. Et, encore aujourd’hui, je trouve que les médias ne parlent pas assez des succès de notre cinéma. C’est pourtant notre culture et c’est censé être notre fierté. Les succès internationaux de nos artistes présentement sont vraiment impressionnants et malgré tout on dirait que personne n’en parle ou pire, certains médias véhiculent encore les préjugés du film québécois ennuyant. Lorsque nos médias valoriseront nos succès, peut-être que le public sera plus curieux et probablement rarement déçu!
  1. Ce qui l’indigne en ce moment : La peur de la différence qui nous rend aveugles à la beauté. Le manque cruel d’empathie et de compassion pour l’autre. Au Danemark, les cours d’empathie et de gentillesse sont obligatoires pour les enfants de 6 à 16 ans. Je rêve d’écoles primaires et secondaires qui enseigneraient la compassion et la psychologie afin que l’on puisse tous mieux vivre avec nos proches et nos voisins. Elle est où la douceur? Et ce qui m’indigne principalement ces temps-ci, c’est la dangereuse dérive des médias de ce monde qui laissent nos gouvernements indifférents. Les fake-news, le manque de rigueur et la haine qui se propagent dans nos médias et nos réseaux sociaux me glacent le sang. Je crois que c’est très grave ce qui se passe et que ce problème devrait être pris au sérieux. (Et je crois que mes deux indignations sont profondément reliées.)
  1. Ce qui l’émerveille en ce moment : Beaucoup de choses. Mais j’ai envie de parler de l’impact merveilleux du cinéma que j’ai observé en allant présenter mon film un peu partout dans le monde cette année. Dans le milieu, quand on se prend trop au sérieux, on se rappelle souvent qu’on ne sauve pas des vies en faisant des films. Mais je me rends compte qu’on peut changer des vies! Vraiment! Parce qu’un film peut toucher profondément quelqu’un et c’est par cette voie que peut déclencher une réflexion chez la personne et un changement de perspectives. Des gens m’ont dit qu’après avoir vu mon film, ils ont eu des conversations en famille qu’ils n’avaient jamais eues avant. Des conversations qui leur manquaient cruellement et qui ont embelli leurs relations. Dans plusieurs pays différents, des gens qui travaillent dans le communautaire m’ont dit espérer que le plus de monde possible voit mon film en disant qu’il pourrait probablement faire changer les préjugés qu’on a envers la santé mentale et les familles « différentes ». Savoir que les films peuvent avoir cet impact me rappelle le pouvoir de l’art. Ça me donne espoir en l’humanité et ça me motive à continuer.
  1. Pourquoi le regard des femmes est important dans le monde du cinéma québécois? Je crois que la prochaine étape pour faire avancer la « cause » des cinéastes femmes, c’est d’arrêter justement de souligner qu’une cinéaste est une femme et de la considérer comme une cinéaste tout court. Je crois qu’il est plus constructif de parler aux femmes cinéastes de leur cinéma que de leur sexe. Toujours le souligner envoie presque le message que c’est un handicap ou que c’est inusité alors que ça ne l’est pas du tout. Ça ne l’est plus en tout cas. Des gens m’ont dit que leur fille voulait devenir cinéaste et que j’étais un exemple pour elles. Je trouve qu’il est malheureux que ces jeunes femmes me voient dans les médias seulement parler du fait qu’il est spectaculaire d’être une femme et d’arriver à faire des films. Ça pourrait leur faire peur ou les décourager. Faisons évoluer le message! Parlons de la qualité des cinéastes et non pas de leur sexe.
  1. Un grand désir pour l’avenir : Pour l’avenir… mon avenir à moi? Simplement de pouvoir gagner ma vie en écrivant et réalisant mes films. C’est ça mon plus grand souhait.

Pour consulter la première partie de cet article: http://indicebohemien.org/articles/2019/03/sophie-dupuis-a-l-avant-plan#.XIwQ0yhKjMU 


Auteur/trice

Artiste multidisciplinaire et cinéaste indépendante, Béatriz Mediavilla est née en 1972 à Rouyn-Noranda, où elle demeure toujours. Détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études cinématographiques, elle enseigne le cinéma au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue. Parallèlement, elle a notamment réalisé l’ouvrage collectif multidisciplinaire Ce qu’il en reste : dialogue artistique sur la mort (2009), et a publié Des Espagnols à Palmarolle dans Nouvelles Explorations (2010) et dans Contes, légendes et récits de l’Abitibi-Témiscamingue (2011). Elle a également publié Entre les heures dans Rouyn-Noranda Littéraire (2013). Danse avec elles, son premier long métrage documentaire a connu une belle réception et a été présenté dans différents festivals, entre autres, à Montréal, Québec, Toronto et Vancouver, mais aussi La Havane et New York. Son deuxième long métrage, Habiter le mouvement, un récit en dix chapitres, a aussi été présenté dans plusieurs festivals dans le monde. Il a remporté entre autres, le prix du meilleur documentaire de danse au Fine Art Film Festival en Californie, meilleur long métrage documentaire au Utah dance film festival et le prix de la meilleure oeuvre canadienne au festival International du Film sur l’Art de Montréal. Son plus récent court métrage Axiomata, a aussi été sélectionné dans différents festivals à travers le monde.