Les filles sont attablées et mangent leurs plateaux-repas avec appétit; on imagine aisément qu’elles doivent avoir faim quand on considère le travail que représente le projet dans lequel elles sont plongées depuis le 2 juillet dernier.

Elles sont six : Valéry Hamelin, Brigitte Toutant, Johannie Séguin, Annie Boulanger, Ariane Ouellet et Annie Hamel. Six artistes professionnelles, six artistes à différentes étapes de leurs carrières, toutes tendues vers un même objectif : réaliser cet été une immense murale en hommage à Richard Desjardins. Un projet plus grand que nature (excusez la formule convenue, mais elle s’applique à merveille ici) qui fera 160  mètres de long par 6 mètres de haut, soit une surface de 960 mètres carrés. Ce n’est pas rien. Les filles sont toutes originaires de la région, à l’exception d’Annie Hamel qui débarque tout droit de Montréal, faisant bénéficier l’équipe de sa grande expertise technique de la peinture murale. 

L’équipe de réalisation de la murale hommage à Richard Desjardins : Valéry Hamelin, Johannie Séguin, Annie Boulanger, Brigitte Toutant, Ariane Ouellet et Annie Hamel. Photos : Staifany Gonthier et Ariane Ouellet.

UNE CRÉATION COLLABORATIVE ET ORIGINALE

Si le travail des unes et des autres est très différent, les six muralistes sont unies par un attachement profond à l’univers de Richard Desjardins. Selon Annie Hamel, « on ne peut pas s’impliquer dans ce genre de projet si le sujet ne trouve pas une résonnance en nous ». Chacune d’entre elles, à sa façon, s’est imprégnée de la poésie et des images de Desjardins en les réinterprétant de façon picturale.

De son côté, Richard Desjardins a donné son aval au projet à une condition : qu’il ne soit pas, lui personnellement, représenté dans la murale. Souhait tout à fait légitime; l’important pour un artiste est son œuvre, les images qu’il crée et qu’il fait résonner dans le cœur des gens, non pas lui-même, sujet de peu d’intérêt selon lui. C’est ainsi que, lors du processus de création, l’équipe a travaillé à partir des textes des chansons de Desjardins, les décortiquant et choisissant les images les plus fortes et les plus caractéristiques comme base de travail. À partir de ces images littéraires, Annie Hamel, Annie Boulanger, Brigitte Toutant et Johannie Séguin ont créé des déclinaisons picturales qui sont par la suite passées au moulinet dans le groupe : les images ont été combinées, recombinées, retranchées, modifiées par l’une et retravaillées par l’autre pour finalement en arriver à un résultat signifiant, fidèle à l’œuvre de Desjardins et teinté de l’univers des six artistes. Aujourd’hui, elles-mêmes sont parfois incapables de déterminer l’origine des fragments d’image qui composent la murale, preuve que le travail de création s’est fait dans une véritable collégialité. D’ailleurs, elles utilisent abondamment le terme « collectif » lorsqu’elles parlent de la démarche, évoquant ainsi le grand travail d’équipe dont la murale est le résultat.

De passage au mois d’août pour constater en personne l’avancement des travaux, Richard Desjardins s’est montré ravi et très impressionné par le travail effectué, nous a rapporté Ariane Ouellet, chargée de projet. 

UN DÉFI DE COORDINATION

Réalisée sur le mur sud du viaduc du boulevard Rideau, à deux pas de l’intersection routière la plus achalandée en Abitibi-Témiscamingue, cette murale colossale fait partie des initiatives de la Ville de Rouyn-Noranda dans le cadre de la campagne CulturAT. À l’instar de celle située sur l’aréna Réjean-Houle, elle est issue d’une démarche municipale avec appel d’offres et présentation de maquettes. « La Ville souhaite ainsi faire un legs important à la communauté locale et régionale en investissant l’espace public d’une grande dose de beauté, ajoutant au quotidien des milliers de personnes qui utilisent ce carrefour plus de poésie, de fierté, et un grand sentiment d’appartenance à leur territoire et à ses créateurs exceptionnels », a déclaré Diane Dallaire, mairesse de Rouyn-Noranda. 

Vu le lieu de réalisation bien particulier, la coordination comportait de nombreux défis; on ne peint pas sur du matériel urbain comme on veut, en particulier quand il appartient au ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports! Il faut tout valider, vérifier s’il y a des précédents, si la présence d’une murale a une incidence sur la sécurité routière… En tout, un an s’est écoulé entre la demande au Ministère et la réponse officielle. Dans les faits, le projet est en branle depuis 2014! 

UNE ŒUVRE PÉRENNE

La volonté de la Ville de Rouyn-Noranda de s’inscrire dans la pérennité est manifeste. Tout, selon Mme Ouellet, a été fait dans les règles de l’art afin d’assurer la plus grande durabilité à la murale : nettoyage minutieux, application d’un apprêt performant et utilisation de la meilleure peinture sur le marché. Selon elle, tant que le viaduc ne subira pas de modification, la murale devrait résister. C’est tout le bien qu’on lui souhaite… et à nous aussi. 

Photos du « making of » : Nathalie Toulouse Photographe


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