Sophie Dupuis réalise des œuvres profondément humaines et émouvantes, qui nous transforment et provoquent un questionnement en nous. Elle ne donne pas non plus toujours toutes les réponses, nous laissant le soin de terminer le récit.

Le fait d’être une femme cinéaste marque son travail. « Les gens me disent souvent que j’ai fait un “film de gars” et que si on regardait mon film sans savoir que c’est une femme qui l’a réalisé, on penserait tout de suite que c’est un homme qui l’a fait. Ce n’est pas par mauvaise foi, mais je ne sais véritablement pas ce que ça veut dire ou pourquoi on étiquette ainsi mon film. Tous les cinéastes parlent de choses qui les touchent et les bouleversent. Et c’est pour ça que je ne crois pas qu’il existe des sujets féminins et des sujets masculins. Je crois qu’au fond, on est juste des cinéastes humains. Et ce qui nous intéresse chez un artiste, c’est le regard unique qu’il pose sur un sujet. Je crois que la forme de ce regard peut prendre toutes les dimensions possibles, qu’il provienne d’un homme ou d’une femme. Je crois même qu’il est bien d’avoir fait un film considéré comme un “film de gars” pour enfin briser les standards. »

Sophie Dupuis est native de Val-d’Or. Son intérêt pour le cinéma a commencé dans cette ville. Elle y suit d’abord des cours de journalisme au secondaire, mais, très tôt, plusieurs formes d’art l’intéressent. Enfant, on l’avait inscrite à des cours de bricolage, de poterie, de dessin, de théâtre, de chant, même si, selon elle, elle possède la pire voix du monde! Aussi à cette époque, dans son sous-sol, ses parents voient s’enfiler une suite infinie de spectacles de théâtre, de cirque, de défilés de mode, de lipsync, de radio, de tout!

« À 13 ans, j’ai eu un rôle dans “Les héros de mon enfance” que la compagnie 4/36 a montée en théâtre d’été. À 14 ans, pendant mon secondaire 3, j’ai écrit un long métrage qui s’appelait “4 univers” que j’ai tourné pendant l’été avec l’implication de mes amis et de certains professeurs à qui j’avais donné des rôles. En secondaire 5, j’ai participé, dans mon cours de français (journalisme), à la course autour de la MRC. On devait faire cinq reportages sur des sujets de chez nous. Je me suis lancée là-dedans avec la ferme intention de gagner… et c’est mon équipe qui a gagné! Déjà, en secondaire 4, je savais que j’irais étudier en cinéma à Rouyn et ensuite à l’université à Montréal. Mon objectif est toujours le même aujourd’hui : écrire et réaliser mes films. »

Au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, elle poursuit sa formation sur le septième art où elle est remarquée, puis elle obtient la bourse Michel-Lessard qui récompense le meilleur espoir en cinéma. Elle quitte la région pour poursuivre ses études à l’Université Concordia où elle réalise ses premiers courts métrages qui déjà font d’elle une cinéaste en devenir à surveiller.

Avec J’viendrai t’chercher(2007), elle fait déjà preuve de son talent en scénarisation et en réalisation pour raconter des histoires, manipuler les émotions et évoquer des réflexions sur les thèmes de la famille, de l’attachement et de la sexualité. Avec ce film, qu’elle réalise en tant qu’étudiante à Concordia, elle obtient le Prix du meilleur scénario et le Prix du public au Festival international du court métrage au Saguenay (REGARD), le Prix pour la meilleure œuvre étudiante aux Rendez-vous du cinéma québécois et finalement le Prix du jury au Festival Off-Court de Trouville-sur-Mer (France).

Elle est invitée de nouveau à Trouville-sur-Mer afin d’y réaliser un autre court métrage (en plus de ceux qu’elle réalise en poursuivant ces études), Si tu savais Rosalie.Suivent entre autres Félix et Malou (2010), Faillir (2012), L’hiver et la violence (2014), des courts métrages qui jouissent d’une très belle diffusion nationale et internationale. La cinéaste y utilise ses thèmes de prédilection, soit la famille, la fratrie, la sexualité et la complexité des relations humaines, mais toujours sous un angle qui nous surprend et qui creuse en nous ce chemin moins confortable, mais combien essentiel, du questionnement sur notre rapport aux autres.

En 2016, son court métrage plus poétique Forces tranquilles démontre aussi qu’elle peut suivre d’autres chemins. La somme de son œuvre fait qu’en quelques années seulement, la toute jeune scénariste et réalisatrice a un CV plus que garni et d’une très grande qualité artistique.

Parallèlement à ses créations cinématographiques, elle participe aussi à différents projets en coréalisation qui lui ouvrent notamment la route de festivals de création de style Kino et Documenteur, ainsi qu’à des projets d’écriture et de production pour le Web.

En 2018, ce travail et cette soif de créer aboutissent à la sortie de son premier long métrage coup-de-poing, Chien de garde, primé et sélectionné pour représenter le Canada dans la course aux Oscars. Avant le tournage, Sophie Dupuis a travaillé pendant trente jours avec ses comédiens afin de trouver les personnages le plus justes. Et cette façon unique de faire lui a donné raison. Peu à peu, Sophie Dupuis change les choses grâce à ses films, mais aussi grâce aux méthodes de travail qu’elle propose à l’industrie. De plus, Chien de garde fait partie des cinq films de la sélection du Prix collégial du cinéma québécois (PCCQ) 2019.

« Pour moi, le PCCQ est l’un des plus beaux et pertinents projets que j’ai vus dans les dernières années. Je trouve ça merveilleux qu’on offre aux étudiants de se reconnecter à leur culture et de développer leur curiosité de leur cinéma en les faisant débattre sur des œuvres et leurs sujets. C’est ça la vie, c’est à ça que servent l’art et la culture, et c’est important de l’enseigner à notre public de demain », affirme Sophie Dupuis.

Chien de garde est aussi en lice pour les prix Écrans canadiens dont les gagnants seront connus le 31 mars.

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Auteur/trice

Artiste multidisciplinaire et cinéaste indépendante, Béatriz Mediavilla est née en 1972 à Rouyn-Noranda, où elle demeure toujours. Détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études cinématographiques, elle enseigne le cinéma au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue. Parallèlement, elle a notamment réalisé l’ouvrage collectif multidisciplinaire Ce qu’il en reste : dialogue artistique sur la mort (2009), et a publié Des Espagnols à Palmarolle dans Nouvelles Explorations (2010) et dans Contes, légendes et récits de l’Abitibi-Témiscamingue (2011). Elle a également publié Entre les heures dans Rouyn-Noranda Littéraire (2013). Danse avec elles, son premier long métrage documentaire a connu une belle réception et a été présenté dans différents festivals, entre autres, à Montréal, Québec, Toronto et Vancouver, mais aussi La Havane et New York. Son deuxième long métrage, Habiter le mouvement, un récit en dix chapitres, a aussi été présenté dans plusieurs festivals dans le monde. Il a remporté entre autres, le prix du meilleur documentaire de danse au Fine Art Film Festival en Californie, meilleur long métrage documentaire au Utah dance film festival et le prix de la meilleure oeuvre canadienne au festival International du Film sur l’Art de Montréal. Son plus récent court métrage Axiomata, a aussi été sélectionné dans différents festivals à travers le monde.