Dans le tourbillon du monde culturel québécois, le milieu des arts et de la scène et des arts visuels se retrouve actuellement à un carrefour délicat, oscillant entre l’excitation de l’avenir et l’incertitude qui plane sur le financement provenant du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). C’est dans ce contexte mouvementé que les actrices et acteurs du milieu artistique préparent fiévreusement leurs dossiers pour la nouvelle demande de financement au soutien à la mission des organismes, dont la date limite d’inscription a été fixée au 1er février 2024.
Créé il y a déjà trois décennies, le CALQ a joué un rôle majeur dans l’essor des arts et de la culture au Québec. Doté d’un jury composé de pairs, son objectif était de propulser les arts et la culture vers l’excellence, un pari ambitieux qui a marqué le début d’une ère nouvelle.
Il y a six ans, les diffuseurs, qui ne relevaient pas du Conseil des arts, ont vécu une transformation majeure lorsque leurs demandes de financement ont été transférées au CALQ, au lieu d’être acheminées aux différents ministères. Cette transition a provoqué une onde de choc qui a suscité des inquiétudes, en raison de l’annonce de coupes, et des levées de boucliers. Cependant, la solidarité des actrices et acteurs du milieu de la diffusion a prévalu, évitant ainsi les coupes redoutées. Il s’agit d’une équation complexe dans une région aussi particulière que l’Abitibi-Témiscamingue.
La pandémie est venue ajouter une nouvelle couche d’incertitude, repoussant de deux ans les nouvelles demandes de financement. Avec une période d’attente de six ans, l’anxiété règne à l’approche de cette nouvelle étape cruciale. Presque un mois de travail à plusieurs mains dans le dossier, une course contre la montre pour les actrices et acteurs culturels qui se demandent quel sera le verdict et comment la redistribution des cartes touchera les différents centres.
Cette année, le nombre de demandes est important, et le suspense entoure le budget qui sera dévoilé en mars. Les actrices et acteurs du milieu retiennent leur souffle jusqu’à l’été, quand ils recevront la réponse qui déterminera leur trajectoire financière. Les nouveaux critères d’admissibilité ajoutent un niveau de complexité : l’évaluation des efforts consacrés à l’écoresponsabilité, l’inscription à la plateforme Creative Green et la compilation des données, ainsi que l’adoption d’un plan d’action de développement durable d’ici 2028.
La qualité artistique étant évaluée au deuxième tour par des pairs, artistes et diffuseurs, il s’agit d’une évolution bienvenue vers une approche plus subjective et artistique. Cependant, cette nouvelle méthode risque de faire perdre des plumes à certains, car la performance devient un critère déterminant, et les chiffres d’assistance et de revenus sont inévitablement liés à la population desservie.
En parlant de population, le défi de l’équité se pose avec acuité. Les petits centres culturels dans des zones faiblement peuplées se retrouvent face à une incertitude redoutable. La nouvelle politique axée sur le rendement, l’équité, la sécurité et l’écologie pourrait bien mettre à rude épreuve ces centres qui, malgré leur importance, pourraient être fragilisés par le manque de personnel.
L’audit organisationnel poussé n’a fait qu’ajouter à la pression ambiante, mais si leur demande est acceptée, les actrices et acteurs culturels se trouveront dans une position sécuritaire pour une période de quatre ans, alors qu’aucune autre demande ne sera formulée pour les activités de base. Les diffuseurs, les centres d’artistes et les centres musicaux de la région se préparent à affronter l’avenir avec une inquiétude palpable.
Dans ce climat d’incertitude et d’attente, le monde culturel québécois se trouve à un tournant décisif. L’équilibre entre l’excitation face à l’avenir et l’angoisse de l’inconnu s’impose comme le leitmotiv de cette période charnière. Espérons que, malgré les défis, l’art continuera à fleurir dans notre région, porté par la passion et la détermination de celles et ceux qui le créent et le soutiennent.