« There’s nothing to fear but fear itself. »

« La seule chose dont nous devons avoir peur est la peur elle-même ». C’est la phrase la plus célèbre du discours inaugural du président Franklin D. Roosevelt en 1933. Les États-Unis sont alors frappés par une terrible crise économique depuis 1929 : le chômage atteint des sommets, les banques font faillite, la pauvreté fait des ravages. La peur et la panique sont là. Pourtant, Roosevelt sera très actif, avec sa jeune équipe de conseillers. Il osera appliquer des mesures nouvelles pour sortir son pays du marasme.

Notre temps est aussi à la peur. Même avant la pandémie, notre monde était de plus en plus inquiet : terrorisme, changements climatiques, déclassement. La sécurité devenait un besoin de plus en plus grand.

La peur, donc! Peur de la maladie qui varie (imaginez, ce n’est pas la peste ni Ebola!), peur de l’autre, peur de se rapprocher, de toucher, de serrer contre soi. Peur de contaminer et d’être contaminé. Peur du vaccin et peur des non-vaccinés. Peur de voir grand-maman et peur d’embrasser son petit-fils. Peur du gouvernement et peur des complotistes. Peur de l’école en classe et peur des ados pas à risque qui se collent. Il y a les mots qui font peur : confinement, couvre-feu, barrages, fermetures, délestage. Avons-nous peur d’avoir peur? Même pas sûr : la peur est vécue pleinement, elle est assumée et bien des médias en font une norme, l’idée maîtresse de notre vie de tous les jours.

La peur paralyse et immobilise. La peur confine, facilite l’isolement qui est banalisé par Zoom, Netflix, DoorDash et Facebook. Mais la peur permet aussi, comme disait Hobbes, et c’est son rôle positif pour certains, de gouverner et de maintenir l’ordre. Machiavel ne disait pas autre chose non plus.

La grande philosophe française Élisabeth Badinter affirme : « Ce qui est certain, c’est que la peur est mauvaise conseillère ». La science aussi le dit. L’Hôpital neurologique de Montréal démontre que la peur et le stress, comme pendant une pandémie de COVID, par exemple, diminuent les capacités à réfléchir, à planifier et à évaluer les risques. Réfléchir… Évaluer les risques. On est là-dedans! Il semble qu’il sera difficile comme société de rétropédaler. La lucidité, la rigueur, la mise en perspective, essentielles à la réflexion et à la prise de décision, ne peuvent s’exercer quand on voit le risque à chaque coin de rue, dans chaque resto, dans chaque classe et quand l’autre est une menace.

La maladie fait peur, mais au fond, au très fond, c’est peut-être la peur de la mort. En sortant de notre vie sociale les religions et leur spiritualité, qui offraient au moins une promesse, la mort ne fait plus partie de la vie. Plus on s’en approche, plus il faudra la repousser le plus loin possible, même au détriment de ceux qui en sont encore loin. Eugène Ionesco disait : « La mort est un scandale! » Sûrement. Oui, il est bien d’ajouter des années à sa vie. Il est encore mieux d’ajouter de la vie à ses années.

Ce que la peur ne fait pas.

Photo de Aaron Blanco Tejedor prise sur Unsplash.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.