Les 9 et 10 septembre dernier avait lieu à Pikogan le troisième rassemblement MIAJA. En voie de devenir déjà un incontournable du paysage événementiel témiscabitibien, le rassemblement annuel organisé par Minwashin célèbre la culture anicinabe et participe à son rayonnement et à sa pérennité, en premier lieu au sein des communautés autochtones régionales, mais aussi dans la population générale.

Photo de Marie-Raphaëlle LeBlond

Placé cette année sous la thématique de la réappropriation et de la préservation du patrimoine, l’événement, tenu devant une salle comble, a été un grand succès. Les festivaliers ont notamment pu mettre en commun leurs savoirs liés aux motifs traditionnels de perlages décoratifs ou de broderies, assister à un atelier de dépeçage de renard, à l’exposition d’un canot d’écorce, participer à la création d’une œuvre collective ou encore s’immerger dans une expérience de réalité virtuelle dans un tipi. Différents spectacles ont aussi été offerts dans la salle communautaire Minawasi ainsi que dans l’aréna. Des démonstrations de gigue et une expérience théâtrale, présentée par les Productions du Raccourci sous le titre Les Anicinabek vous racontent, sont venues clôturer une soirée bien animée. Présent sur place, un service de traiteur de la communauté a servi de la viande sauvage, apprêtée en mets originaux et modernes, ainsi que de la banique pour nourrir l’assistance.

L’ensemble des animations proposées étaient traduites simultanément en anglais, en français et en anicinabemowin; une manière d’amorcer la Décennie des langues autochtones de l’UNESCO de belle façon! La commissaire canadienne de cet important organisme international, Roda Muse, était d’ailleurs présente à l’événement.

Photo de Marie-Raphaëlle LeBlond

Dans une perspective plus savante, l’historien Guillaume Marcotte, chercheur affilié à la Corporation de la maison Dumulon, a offert une présentation pour clore une minutieuse enquête dans des sources textuelles anciennes. Parti à la découverte des mentions écrites détaillant certaines formes d’artisanats traditionnels, le spécialiste a pu présenter ses résultats, qui permettront d’avoir une meilleure connaissance des couleurs, des motifs ainsi que des méthodes utilisées par les ancêtres autochtones dans la confection des précieux objets de la tradition. Invités à commenter et à bonifier les résultats du chercheur, les participants ont pu mieux saisir, par la même occasion, l’importance des archives dans le processus de réappropriation de leur culture. 

En parallèle à cette recherche, dont le travail de l’historien ne constitue qu’un seul volet, les communautés anicinabek sont également en voie de rapatrier un vaste ensemble de connaissances sur leur culture matérielle, dont ils sont à se constituer une bibliothèque virtuelle, appelée Nipakanatik, où seront bientôt regroupés quelques-uns des artefacts muséologiques conservés aux quatre coins du pays, témoignant du savoir-faire de leurs ancêtres.

Comme nous l’ont confirmé plusieurs personnes présentes au rassemblement, ce qui frappe d’abord à MIAJA, c’est la fierté que ressent la communauté. Les semaines suivant l’événement sont marquées par un dynamisme qui perdure. Les gens partagent des photos sur les réseaux sociaux, parlent un peu plus la langue, exhibent fièrement le fruit de leur patiente production artisanale. Insuffler aux communautés le désir d’être soi sans compromis, voilà peut-être l’une des plus belles réalisations de cet événement.

Fidèles aux rassemblements annuels qui voyaient converger chaque été les familles aux pointes Apitipik (lac Abitibi) ou Obadjiwan (lac Témiscamingue) pour des festivités, les Anicinabek actuels se positionnent en héritiers de coutumes millénaires toujours vivantes, qu’ils entendent honorer et réactualiser. À ce titre, le rassemblement MIAJA, comme nombre d’autres initiatives portées par les communautés autochtones d’ici, le balado Pisheshin, la série documentaire Ninawit, le répertoire des artistes et porteurs culturels, pour n’en nommer que quelques-unes, témoignent d’une vitalité culturelle inspirante et dont le souffle, peut-être plus nécessaire que jamais, n’est pas près de s’interrompre. L’organisme culturel Minwashin, qui fédère plusieurs artistes et personnalités autochtones du territoire et dont la réputation d’excellence n’est plus à faire, apparaît, dans ce contexte, comme l’un des principaux moteurs de ce dynamisme autochtone régional.

Le terme miaja, une expression en anicinabemowin signifiant « c’est le moment », résonne depuis trois ans déjà comme un appel à l’engagement dans les communautés. La fierté de parler la langue, le plaisir de se rassembler pour célébrer la richesse du legs ancestral, le privilège de pouvoir écouter les aînés parler de la vie en forêt sont autant d’occasions que les communautés saisissent pour s’abreuver à la source vive des traditions qui, malgré les années de colonialisme, n’ont rien perdu en actualité et en pertinence.

Minawatch Kiga Wamin!

Photo à la Une par Marie-Raphaëlle LeBlond montrant Pinock Smith, de la communauté de Kitigan Zibi, présentant un modèle réduit de canot traditionnel d’écorce.


Auteur/trice

Originaire de Rouyn-Noranda, Jean-Lou David est rédacteur professionnel pour plusieurs organismes régionaux. Diplômé en littérature, il se passionne pour l'histoire, particulièrement celle de notre région, mais aussi pour l'histoire religieuse et celle des peuples autochtones canadiens. Il est également apprenti écrivain. Lauréat du Prix du Jeune Écrivain 2020 et du Prix littéraire de l'Abitibi-Témiscamingue 2021, il a figuré sur la liste préliminaire du Prix de la création Radio-Canada Poésie en 2021.