Nous n’en sommes qu’au mois d’avril et, déjà, on peut affirmer que l’année 2022 ne sera pas aussi douce et dépourvue d’anxiété qu’on l’espérait. À la pandémie, la guerre en Ukraine et la violence conjugale qui s’aggrave s’ajoute le fameux rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de fin février. Encore plus troublant et alarmiste que tous les rapports précédents, il faut avouer qu’il ajoute une couche d’anxiété supplémentaire. Pourtant, au moment où j’écris ces lignes (le 13 mars), j’ai l’impression que le seul sujet d’importance est le prix de l’essence!

J’avoue être découragée chaque fois que je vois des publications d’information climatosceptique sur Internet. On m’a posé mille et une questions sur l’environnement et les changements climatiques, qui suscitent généralement des conversations passionnantes, mais on m’a également dit des phrases du genre « Il a fait -30 tout le mois de janvier; explique-moi il est où le réchauffement climatique? », conséquence néfaste d’un manque de connaissances générales sur le sujet.

Pourtant, les signaux mondiaux, provinciaux et même régionaux sont clairs. La crise climatique n’est plus à nos portes, elle est bien installée déjà. Le dernier rapport du GIEC ne contient pas moins de 34 000 références. Alors, comment expliquer l’inaction, voire le déni, des citoyennes et citoyens, des décideuses et décideurs ainsi que des politiciennes et politiciens face à la menace climatique?

PLEIN FEU SUR LES FAUX EXPERTS

Un autre phénomène mondial qui, à l’image de la pandémie, fait des ravages et divise : la désinformation. Si les gens partagent de fausses informations, sans en avoir nécessairement conscience, c’est possiblement parce qu’elles représentent leur vision du monde. Ce phénomène s’appelle le biais de confirmation. Les gens n’ont jamais été aussi connectés et bombardés d’informations, mais surtout de fausses informations. Les mesures sanitaires liées à la pandémie mondiale ont certainement été l’un des sujets qui ont causé la plus grande division au sein de la société. Les climatosceptiques sont également bien bavards sur les réseaux sociaux, alimentés, qui plus est, par un algorithme Facebook.

L’IMPORTANCE DU MESSAGE

Le GIEC avait jadis adopté un ton plus informatif, sans être alarmiste, alors que le contenu de son rapport était tout sauf rassurant. Ce n’est plus le cas. Le rapport et les nouvelles qui mentionnent le rapport sont alarmistes, tout comme le message général qui s’en dégage : Si on ne fait rien, nos enfants auront un avenir bien sombre. Alors, comment peut-on expliquer l’inaction généralisée face aux changements climatiques? La réponse pourrait résider dans l’art de communiquer.

Des psychologues considèrent que les messages avec un ton catastrophique et alarmiste seraient contreproductifs et nuiraient au message. C’est pourtant difficile de ne pas l’être quand on parle de changements climatiques. D’autres spécialistes pensent que le problème pourrait résider dans l’absence de porte-parole crédible et accessible avec qui la population s’identifie.

Ce qui motive davantage le déni, c’est la lourdeur de l’imputabilité. Admettre que les changements climatiques sont là et que les humains en sont responsables, c’est également admettre que les humains ont une grande part de responsabilité dans la solution au problème. Entre ici en scène une barrière mentale subconsciente qui nous protège de l’anxiété, la dissonance cognitive, c’est-à-dire que nos pensées et valeurs ne sont plus en phase avec nos comportements. Entre la connaissance du problème et la reconnaissance du besoin d’agir, la marche peut sembler glissante et infranchissable.

Le dernier rapport du GIEC est très explicite sur les conséquences de l’inaction. À l’inverse des films catastrophes des années 2000 où les gens attendaient qu’un homme blanc hétérosexuel dans la quarantaine sauve la planète, nous devons tous aujourd’hui être des héroïnes et héros pour assurer un avenir aux générations futures.

BIANCA BÉDARD EST DIRECTRICE ADJOINTE AU CONSEIL RÉGIONAL DE L’ENVIRONNEMENT DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE


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