Dominic Lafontaine est un artiste anicinabe de Timiskaming First Nation qui s’illustre en arts visuels, en arts numériques et en musique. Cet été, il ira en Belgique pour le deuxième volet de la résidence croisée Local, low cost & low tech, en plus de prendre part au projet Odeimen. Rencontre avec un artiste autochtone à la démarche résolument contemporaine.
Entrer chez Dominic Lafontaine, c’est mettre les pieds dans une caverne d’Ali Baba du XXIe siècle. Instruments de musique, objets religieux et artéfacts électroniques se côtoient dans un panorama éclectique aux symbolismes détournés. « J’aime les instruments, mais j’aime les défaire », confie l’artiste, l’œil brillant. Déconstruire pour mieux reconstruire.
AU CROISEMENT ENTRE ARTS ET SCIENCES
Inspiré par les artistes de la Renaissance, Dominic Lafontaine cherche à « remodeler la science » pour faire émerger la dimension humaine à travers la technologie. Dans le cadre d’un projet en développement, il transforme une intelligence artificielle dotée de capacités d’apprentissage automatique en artiste autochtone. Avec Local, low cost & low tech, une coproduction de la Chambre Blanche (Québec) et de Transcultures (Belgique), il s’allie avec la chercheuse et muséographe Nathalie Cimino pour explorer la création artistique par le bidouillage.
L’artiste s’intéresse aussi à la mise en marché des œuvres par les technologies. Il explore depuis peu les jetons non fongibles (NFT) et leur potentiel d’authentification en lien avec l’art autochtone, qui fait l’objet de nombreuses contrefaçons sur le Web.
LA SIMPLICITÉ À TRAVERS LA TECHNIQUE
Devant la complexité des technologies, Dominic Lafontaine recherche la simplicité : « Il y a tellement de langages de communication différents dans ce monde-là, il faut se limiter. » Il privilégie les projets qui sont à sa portée, favorisant l’atteinte de résultats rapides par le prototypage. Cette épuration se fait également sentir dans les concepts qu’il élabore, où l’expérience prime sur le dispositif. « Il y a beaucoup de choses qui sont assumées. Dans un jeu vidéo, c’est assumé que le sol, c’est le sol. Tu ne vas pas aller à travers. Juste là, tu peux jouer avec ça », explique l’artiste.
LES IDÉES PRÉCONÇUES COMME SOURCE DE CRÉATIVITÉ
Les préconceptions de la société face à l’identité autochtone et à son expression dans les arts sont une puissante source d’inspiration pour Dominic Lafontaine qui les détourne à la manière des objets qu’il bidouille. « Pour ceux qui voient l’art autochtone du dehors, mon travail n’est pas assez autochtone, ricane-t-il. J’aime jouer avec l’idée que nous, on n’a pas le droit de s’amuser avec ça, l’art numérique. Ou que si on le fait, il faut qu’on ait toutes sortes de plumes pis destrucs comme ça. Les contraintes que les gens donnent à leur culture et à leur langue, je trouve ça fascinant. C’est quelque chose avec quoi il faut jouer, pour rendre ça plus léger… et trouver l’humanité. »