JEAN-LOU DAVID, SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DE ROUYN-NORANDA
Avant le boom minier des années 1920, la région de Rouyn-Noranda est déjà un espace fréquenté, traversé et occupé depuis longtemps par les Anicinabek (Algonquins). Situé au carrefour des territoires des Abitibiwinnik et des Timiskaming, le lac Osisko, autour duquel s’est développé l’actuel centre-ville de Rouyn-Noranda, se trouve à proximité des grandes voies de navigation reliant la baie d’Hudson au fleuve Saint-Laurent. Bien que dans un cul-de-sac de navigation apparent, il est relié par plusieurs portages à des lacs voisins, formant un réseau de circulation encore actif au début du 20e siècle, à l’arrivée des pionniers eurocanadiens. Des témoignages rapportent d’ailleurs que le lac était accessible par d’anciens sentiers de portage, notamment depuis le lac Rouyn ou le lac Pelletier.

L’une des rares photos attestant d’une circulation autochtone sur la rivière
Kinojévis dans la région de Rouyn après le boom minier.
En 1978, des fouilles archéologiques menées sur la pointe Dumulon, lors de la reconstruction du magasin général, mettent au jour des fragments d’outils témoignant d’une présence autochtone ancienne sur les berges du lac. Plusieurs récits confirment aussi l’usage prolongé du territoire par des familles anicinabek. Hector Polson, dont la famille piégeait entre Cléricy et le lac Routhier, mentionne que des membres de sa parenté, comme Tom Polson, fréquentaient aussi la zone du lac Osisko. Un ruisseau se déversant dans la rivière Kinojévis porte d’ailleurs toujours son nom, en face du secteur actuel de Bellecombe.
La tradition orale, conservée entre autres par Jimmy Hunter, ancien chef de la Nation des Anicinabek, évoque aussi un événement marquant : la disparition de son arrière-grand-père après une rencontre violente avec des Blancs dans la région de Rouyn. Cet incident, survenu autour de 1900, illustre les tensions croissantes entre chasseurs autochtones et travailleurs forestiers ou commerçants, alors que la colonisation engendre une pression de plus en plus grande sur le mode de vie traditionnel des Anicinabek. À cette époque, un poste de traite opéré par les frères Révillon était actif à la tête du lac Opasatica, et ses employés allaient souvent commercer au-devant des chasseurs sur le territoire.
Enfin, les Autochtones ont aussi contribué à l’histoire minière locale. Des récits évoquent la découverte de roches brillantes dans la région de Rouyn-Noranda par les frères Mackimoot de Winneway vers 1909. Ils auraient rapporté cette pierre dorée à leur communauté, sans toutefois en revendiquer les droits. Le secteur, connu sous le nom de Conia Asini (la roche dorée), aurait ainsi attiré l’attention du prospecteur Edmund Horne, qui y découvrira quelques années plus tard le gisement de cuivre à l’origine de la mine Noranda.