PHILIPPE MARQUIS
La scène se passe un soir du début de mai. Ma compagne et moi écoutons les informations à la télévision nationale. Arrive le moment où la lectrice de nouvelles avertit l’auditoire que les images qui suivront dans le prochain reportage risquent de choquer. La mise en garde était absolument nécessaire : un enfant de cinq ans, à l’aspect squelettique, repose sur une table et respire avec peine. Sa mère pleure à ses côtés.
Son petit corps rappelle certaines photos des survivantes et survivants des camps de concentration nazis, libérés il y a 80 ans en Europe. Il s’agit pourtant d’un petit Palestinien de la bande de Gaza. L’armée israélienne a pratiquement tout détruit sur ce territoire, y compris des hôpitaux et des écoles. Par surcroît, l’eau, la nourriture, les médicaments et le carburant n’y entrent plus depuis le début de mars.
Ce qu’on appelle la bande de Gaza qui est constituée d’un mince filet de terre mesurant environ 365 kilomètres carrés, 3 fois moins que la superficie de La Sarre. L’endroit, délimité par la mer Méditerranée, l’Égypte et Israël, compte une population de 2,4 millions de personnes. Essayons d’imaginer autant de monde dans la superficie de la ville d’Abitibi-Ouest.

Continuons la comparaison. Imaginons La Sarre, à l’instar de la bande de Gaza, entourée d’une barrière d’acier et de béton munie de systèmes de surveillance des plus sophistiqués avec seulement deux entrées que l’armée israélienne contrôle. Aucun civil ne peut donc échapper à la terreur des bombardements. Dans les faits, la bande Gaza n’est rien d’autre qu’une prison à ciel ouvert.
Le 7 octobre 2023, des milices palestiniennes ont réussi à franchir cette barrière. Elles tueront environ 1200 personnes, hommes, femmes et enfants, dont 350 soldats et policiers, et en blesseront près de 5 000 autres. On prend en otage 251 personnes, dont une cinquantaine sont encore détenues au moment d’écrire ces lignes (mi-mai).
Depuis l’abominable massacre d’octobre 2023, l’armée israélienne y est allée de représailles inqualifiables. Les attaques incessantes, au sol et par la voie des airs, ont fait plus de 55 000 victimes, ce qui représente plus de sept fois la population lasarroise et une centaine de milliers de blessés, civils pour l’immense majorité. Près de deux millions de personnes ont dû se déplacer pour éviter le carnage. Du personnel humanitaire et des journalistes ont également été tués. Ces faits sont affligeants pour quiconque tente de suivre cette tragédie. On appelle cela un génocide. Cela se produit présentement et aucun de nos gouvernements n’a encore dénoncé cette barbarie.
Nos dirigeants, tout comme nous, ont le loisir de se faire avertir de l’horreur des images en provenance de la Palestine. Ainsi, on peut changer de sujet et parler du vouvoiement dans les écoles. Parce que la CAQ, en novembre dernier, a refusé de débattre d’une motion qui visait à prendre acte des propos de la rapporteuse spéciale de l’ONU. Celle-ci affirme qu’on assiste à un génocide colonial diffusé en direct de Gaza. Un refus qui n’a rien pour aider le petit gars…
Les élus du parti au pouvoir pourraient aussi se taper une télésérie télévisée pour échapper aux images difficiles. Si c’est le cas, je leur conseillerais Empathie.