Comme autant de photos qui ont pu capter l’instant vif et bref, l’album de l’été se referme tout doucement. Les nuits, déjà, tombent un peu plus tôt et la fraîcheur s’empare des soirées. Moins de cris et de tintamarres joyeux. Les enfants ont repris le chemin des écoles et retrouvent leur lit de bonne heure.

Terminés les vacances, la courte pause estivale et les petits moments d’arrêt. Le retour aux activités régulières a sonné. Les plus chanceux ont pu en profiter pour retrouver le calme et s’autoréguler, afin d’amorcer un nouveau cycle avec l’esprit apaisé. Pour d’autres, qui ont une foulée bien plus courte, la course se poursuit sans un arrêt prolongé au puits.

Ainsi arrive l’automne, ses soirées frissonnantes et la petite laine jamais loin. Période où l’on ajoute une couverture, où l’on s’emmitoufle pour se créer un cocon de chaleur, réconfort de saison de transition.

L’automne, c’est aussi le bal des couleurs et les feuilles qui se couvrent de leur tenue de noces. Plus jolies sous leurs tons de jaunes, rouges et oranges, elles se parent de toute leur beauté annonciatrice de leur fin. S’endimancher une dernière fois.

La lumière se faisant moins présente, le métabolisme des arbres se fait plus lent. Ils entrent tranquillement dans une autre phase où la photosynthèse diminue et progressivement, la chlorophylle, ce pigment vert lié au processus de photosynthèse, cesse d’être produite. Ce dépérissement graduel entraîne une réaction en chaîne où les autres pigments se révèlent, comme le dernier souffle avant que la feuille ne s’oxyde complètement pour brunir ou se détacher, pour partir au gré du vent.

Au gré du vent, comme la voile sur un lac qui se mesure au vent. Moteur naturel sans carburant utilisé pour corriger sa trajectoire et mener sa route. Un ballet sur l’eau, qui fend l’air avec grâce et sans véritable bruit sinon la toile qui se gonfle, les vagues qui cognent sur la coque et les rafales au visage qui apportent aussi les odeurs du large.

Sentiment d’ivresse de liberté. Penser qu’on est plus fort que l’élément, jusqu’à la bourrasque qui fait douter soudainement de cette maîtrise jamais totalement acquise. Qui ramène aussi à la merci des flots où, malgré l’agilité, il subsiste une part de risque.

Cette dualité polarisante entre le doute et la certitude ne choisit pas toujours son camp ni son moment. Ainsi en va-t-il des tourments. Combien peuvent affirmer s’endormir la tête légère et sans soucis?

Ça surgit. Ça surprend. Ça décontenance. Ça déstabilise.

En ce moment, planétairement parlant, on nage en pleine débâcle. Quelque chose cloche et ne tourne pas rond.

L’autorégulation tarde; au mieux, le monde s’offre une pause entre deux maux. Comme autant de voiliers qui tanguent sur des lacs agités où rien ne tient et où on agrippe les câbles, parfois en tirant un peu trop et en espérant que les cordages tiennent bon.

Pourtant, même dans les plus grandes tempêtes, une fois l’onde passée, tout s’apaise et la nature reste alors comme endormie. Dualité de la nature entre douceur et furie, fragilité et violence. La nature comporte sa part d’ombre. Un côté tendre, admirable, où trouver soi-même repos et répit et cet autre que l’on craint par les soirs d’orages, les flots qui se déversent, la chaleur brûlante, de grands vents qui arrachent tout. La nature, parfois, nous heurte par ses brusqueries.

Néanmoins, il y a des leçons à tirer de la nature : ses troubles ont une fin, elle ne les entretient pas. Une fois la matière brûlée, le brasier s’éteint; une fois le nuage vidé, la pluie s’arrête; une fois le souffle épuisé… elle soupire et s’assoupit.

Puisse l’automne calmer les braises des tourments.


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.