CHRISTIANE PICHETTE, AGENTE PATRIMONIALE DE LA SOCIÉTÉ D’HISTOIRE ET DU PATRIMOINE DE LA RÉGION DE LA SARRE 

« UNE TERRE SANS FEMME, C’EST COMME UNE HORLOGE SANS AIGUILLE. ÇA AVANCE PAS. » 
– Charles-Aimé Bourgeois 

Combien d’agriculteurs décorés de la médaille du Mérite agricole, l’auraient été sans leur femme? 

Historiquement, les femmes entraient en agriculture par la voie du mariage. Ce rapport social supposait de façon implicite un « travail d’épouse », qui consistait à s’occuper des tâches domestiques et de travaux agricoles sur la ferme sans rémunération ni statut de propriétaire. 

Lucille et Charles-Aimé Bourgeois ont été le premier couple à recevoir le Mérite agricole remis par le ministre Jean Garon en 1980. Pour la première fois en 91 ans d’existence de ce concours mis sur pied par Honoré Mercier, le travail de la femme dans l’agriculture était reconnu. Charles-Aimé se souvient que sa « femme n’a pas toujours eu la vie facile. Lucille m’a aidé comme un homme. Elle avait confiance en moi et elle m’encourageait ». 

Pendant 26 ans, Lucille a tenu la comptabilité, après son ouvrage à la laiterie, l’entretien du potager, les travaux ménagers et l’éducation des enfants : « Je lui ai toujours dit de ne pas regarder à la dépense pour acheter une bonne vache ou un bon tracteur. Il valait mieux payer plus cher et que ça dure plus longtemps. Comme ça, on n’avait pas d’entretien à faire sur le tracteur et on pouvait le revendre avec un bon profit. » La ferme a profité sous l’administration de Lucille : en 1951, la terre de 110 arpents avait coûté 17 000 $ et en 1989, Lucille en fixait la valeur à 450 000 $.  

Christiane Pichette, bénévole

QU’EN EST-IL AUJOURD’HUI DU TRAVAIL DE LA FEMME SUR LES FERMES? 

C’est à partir de la fin des années 1970 que la lutte pour la reconnaissance professionnelle des agricultrices permet de prendre conscience de leur importante contribution à l’économie du Québec.  

Au tournant des années 2000, les agricultrices ont été plus nombreuses à démarrer leur entreprise en exploitant à petite échelle des productions diversifiées. Pour la première fois en 20 ans, le nombre d’agricultrices est en hausse au Canada, et c’est en partie grâce au Québec.   

Depuis 2001, la relève agricole féminine occupe une place importante au Québec. On observe que les femmes s’établissent en agriculture de manière moins traditionnelle que les hommes. Le transfert de fermes, dans le contexte familial ou à l’extérieur de celui-ci, demeure la porte d’entrée principale en agriculture. Les femmes privilégient cependant le démarrage d’une nouvelle entreprise agricole au transfert de ferme dans une proportion de 44 %, comparativement à 32 % pour les hommes. 

À l’heure où l’industrie agricole est appelée à se renouveler et à se diversifier, elle doit composer avec une population agricole vieillissante et à une baisse constante du nombre d’exploitations, la relève féminine représente l’une des clés essentielles au développement de l’agriculture québécoise. 

Ces nouveaux modèles d’agriculture des femmes fourniraient l’occasion de s’éloigner des modèles agricoles traditionnels et ils favoriseraient la visibilité des femmes en agriculture. 

Sources : La Presse, 26 juillet 1989, A-8; Statistique Canada, Recensement de l’agriculture 2021, La Presse, 31 janvier 2024. 


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