Elle est la force tranquille pour certains, une coordonnatrice capable de livrer des projets d’envergure pour d’autres, voire une médiatrice, une visionnaire, un repère vers qui se tourner, une démocrate de l’art public et une ambassadrice culturelle. Ariane Ouellet ne peut être décrite que par un seul qualificatif. Son parcours n’est pas une ligne droite, mais une rivière qui serpente et qui épouse la rive, déjoue le courant, se joue des remous et sait rigoler en cascades. 

« Je n’ai pas un parcours linéaire », insiste-t-elle pour tenter d’expliquer comment elle en est venue à peindre l’Abitibi-Témiscamingue à grands traits de murales majestueuses qui se dressent dans différentes villes et qui ont aussi inspiré d’autres créatrices et créateurs à embrasser ce mouvement d’embellissement du patrimoine urbain.  

Artiste multitalentueuse, elle étudie d’abord en photographie au Cégep du Vieux Montréal. Sa démarche tient alors davantage du documentaire, majoritairement en noir et blanc. Elle troque tranquillement l’appareil-photo pour les pinceaux vers les années 2002, à son retour en Abitibi-Témiscamingue où elle obtient un baccalauréat ès arts de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. 

« Je n’ai jamais arrêté la photo, mais il est vrai que j’ai fait davantage de peinture au cours des vingt dernières années, mais un rejoint l’autre », confie-t-elle. Peut-être dans le regard, dans l’art de repérer le détail ou de recréer un filtre photographique tiré de l’imaginaire… tant de possibilités. 

Au fil des ans, Ariane Ouellet nourrit divers projets de créations, solos et collectifs : expositions, œuvres publiques, sculptures, bijoux, foulards de feutre et même la chanson avec Les copains d’abord. Tout ce qu’elle touche réussit. 

Crédit photo : Robert Roux

MURALISTE 

Ariane Ouellet est impliquée dans de nombreuses organisations culturelles de la région. Elle a d’ailleurs été rédactrice en chef de L’Indice bohémien de 2013 à 2015, et poursuit régulièrement des collaborations empreintes de réflexion et de sensibilité. On pourrait très bien la présenter comme « commissaire culturelle ». Même si ce titre officiel ne lui a pas été attribué, elle en incarne l’esprit. Depuis 2004, elle siège au comité culturel de Rouyn-Noranda, qu’elle quitte cette année après près de vingt ans d’engagement. 

« J’avais en quelque sorte une stratégie personnelle et j’ai pu faire cheminer cette idée de valoriser l’art public jusqu’à ce que le concept soit inscrit dans la politique culturelle de Rouyn-Noranda. Ce qui est bien avec les murales, c’est le caractère public des œuvres et aussi l’idée d’avoir une diversité dans ce qui est présenté afin de retrouver tout ce qui est vivant chez les artistes d’ici », affirme-t-elle.  

Tapisser les lieux publics d’œuvres artistiques ne tient pas de l’improvisation, mais bien d’une vision planifiée. « Ça prend les bons murs, à la bonne place et les bonnes œuvres au bon endroit », ajoute Ariane Ouellet.  

C’est en 2016 qu’aboutit le premier projet de murale à Rouyn-Noranda. L’année précédente, Ariane Ouellet avait soumis un projet qui avait été refusé. Loin d’être une fin en soi, ce revers l’amène à d’autres démarches et on lui confie alors un mandat de gestionnaire de projet pour la réalisation d’une première murale. La Ville choisit comme site l’aréna Jacques-Laperrière et c’est une œuvre de Karine Berthiaume qui est retenue. 

DEUX ANS PLUS TARD… LE VIADUC

Réalisation sans contredit la plus marquante des projets muralistes d’Ariane Ouellet, l’immense murale Des territoires coulés dans nos veines sur le viaduc à Rouyn-Noranda, en hommage à l’œuvre de Richard Desjardins, a représenté des difficultés techniques de taille à l’image colossale de celui qui en était l’inspiration. 

« Il a fallu trouver des partenaires financiers, s’entendre avec le ministère des Transports – ce qui a pris un an –, aller chercher toute l’expertise nécessaire, trouver les artistes, choisir les œuvres et ensuite les réaliser sur un mur fait de béton ondulé (puisque le mur du viaduc n’est pas une surface plane). On se développe à la hauteur des opportunités que l’on a », résume-t-elle, bien consciente d’avoir relevé un défi de taille.  

PARTAGE ARTISTIQUE 

« Il y a ici un esprit d’entraide et de camaraderie que l’on retrouve dans la région et qui n’est pas toujours aussi évident ailleurs. Il m’arrive régulièrement de recevoir un appel pour participer à un autre projet de murale dans une autre MRC ou pour avoir des conseils, ou à moi, de demander une collaboration », indique Ariane Ouellet, soucieuse que la création ne soit pas qu’une démarche en vase clos. 

Dans ses réalisations, elle s’associe régulièrement à des alliées naturelles, notamment Valéry Hamelin et Annie Boulanger. 

En marge des projets, elle enseigne aussi au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue et développe un prochain spectacle Des copains d’abord en hommage à Dalida. Pas de projet d’exposition à court terme, mais sans doute une création collective dont la forme reste à définir avec Valéry Hamelin et Violaine Lafortune. Assurément, un parcours non linéaire qui, sans être complètement éclaté, s’inscrit dans une volonté de durabilité. 

Le fil d’Ariane – foulard ou pellicule, poil de pinceau ou brin de folie – promet encore de nourrir une toile publique qui s’enrichit et qui inspire aux quatre coins de la région. 


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.