Une saison des plus étrange et inégale, d’un bout à l’autre du Québec, tire à sa fin. Déjà, l’été s’enfonce dans les plis de l’automne. Les matins frais nous rappellent que le cycle – quoique bouleversé – des saisons existe encore. Chaque mois, une autre page du calendrier s’envole, je me plais d’ailleurs à conserver un exemplaire papier pour le plaisir de tourner les pages et de voir les autres se profiler, d’y inscrire, de manière manuscrite, ce qui s’en vient ou d’y ajouter, au dernier moment, un incontournable. C’est pour moi une façon de visualiser l’avenir, de l’anticiper aussi, de tenter de sécuriser, ne serait-ce qu’un peu, le temps sur lequel le contrôle n’est que partiel. 

Septembre, c’est aussi le moment pour plusieurs de trouver le nid vide. De nombreux étudiants et étudiantes ont pris la route des études ou de l’indépendance. Une nouvelle étape est franchie. À l’instar des oiseaux migrateurs qui prennent le large, ils ont plié bagage pour aller à la rencontre de l’avenir. Si l’on se réjouit de ces promesses et de cet appel à la découverte, il reste une part de doutes, d’appréhensions, de tristesse aussi de penser que le tumulte s’est tu et que les nouvelles viendront lorsqu’il se trouvera un moment, dans leur quotidien bien rempli, pour repenser au gardien ou à la gardienne du nid… C’est comme ça… et hier n’était pas différent au moment de prendre aussi notre envol. L’ingratitude est le pendant de l’affirmation de soi, sans doute. Léger comme une plume, la tête bohème et le fil décousu des jours où tout se bouscule. 

On figure le fil d’Ariane, sur lequel on évite de tirer pour maximiser la durée… ou encore, on change les fils pour des poils de pinceaux et on se joue du temps pour fixer sur les murs la mémoire du moment. Pied de nez à l’éphémère que de tapisser les lieux communs de l’imaginaire des gens qui les composent… Hommages à ces traces qui resteront en place. 

Dans le fil des événements, certains au revoir n’auront pas de lendemains. C’est en regardant quelqu’un partir qu’on se demande, à la prochaine poignée de main, laquelle de deux survivra à l’autre. Il est tragique de réaliser que tout ce temps, tout cet espace, n’est que passage. Encore plus funeste de se demander s’il en restera quelque chose, s’il aura été signifiant ou aidant. La pertinence pèse… sinon tout est futile, tout n’est que plume au vent. Et pourtant, celle-ci est libre de danser au gré d’une brise ou au fil de l’eau, sans jamais subir le poids du monde.  

Ainsi, sur le fil de fer, il importe d’avancer sans perdre pied, à la recherche de l’équilibre, sans sombrer complètement d’un côté ou de l’autre. Tâche ardue quand on a peur du vide. 

C’est un automne qui ne s’annonce pas tranquille, difficile de se faire serein quand on perçoit que « ça couve ». L’incertitude s’est logée alors que les éléments ont hurlé tout l’été.  

Le nid est vide, alors je veille sur lui. Et puisque la nature a horreur du vide, on sait déjà que l’espace libéré sera comblé, inévitablement. Que viendra s’y poser? La question demeure. 


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.