Quand j’écris ce texte, nous voilà les deux pieds dans l’automne. Il pleut aux deux jours. C’est morne. Au hockey, les Canadiens auront une saison difficile, la COVID montre de nouveau le bout de son nez et avec une CAQ réélue sans trop forcer, ça craint pour l’hiver, non? J’ai donc le goût de repenser à la saison chaude, à mes vacances, surtout à ce voyage avec famille et grands amis sur la Côte-Nord. On grinçait des dents quand l’essence a dépassé les deux dollars le litre. Mais nous avons eu de belles journées faites de promenades, de lecture, de jeux et de bonnes bouffes. 

Ce que je retiens surtout de mon été, cependant, c’est cette expérience culturelle que j’ai vécue à Montréal en juillet. Peut-être même un choc. Sans traverser le système solaire, je me suis retrouvé dans un autre univers. Pour faire plaisir à ma fille, je l’ai amenée au Comiccon de Montréal 2022. C’est la grand-messe des geeks, les fanatiques d’imaginaire, de films, de BD de sciencefiction, de nouvelles technologies. Des gens de tous âges, des cultivés. Je l’avoue, j’y allais avec certaines idées préconçues. Je me disais : « Tiens, les introvertis sont en congrès! » 

Dès le hall, on se rend compte qu’on n’est pas dans un congrès de comptables agréés. Les déguisements abondent : Star Wars, Mario, Donjon Dragons, Harry Potter. Et dans la grande salle, le spectacle est encore plus impressionnant. Des centaines de kiosques de vente  : dessins, figurines, livres, œuvres d’art, bandes dessinées, création en direct, etc. La caverne d’Alibaba, la Batcave des geeks, de moins en moins marginaux d’ailleurs. Les gens font la file pour un autographe et des photos. 

Les geeks prennent leur revanche. Objets de dérision avant, ils étaient perçus comme des souffre-douleurs. Le cliché, c’était l’ado boutonneux. Mais avec Internet, les réseaux et les portables, l’image a changé. Christian Guy, père de la fameuse Toile du Québec, affirme : « Le geek d’aujourd’hui est fier, mais peut-être un peu acrimonieux (…) je préfère de loin vivre dans une société dirigée par des poètes, des artistes des créateurs que des technocrates. » Dans son ouvrage The Geek Manifesto, Mark Henderson juge que les geeks doivent investir l’espace politique pour faire rayonner la culture, la science et les techniques. Les geeks ont gagné. 

Surtout, les geeks ont raison au fond. Dans ces temps d’incertitude comme ceux que nous vivons, ils offrent des remèdes : l’imagination, l’évasion, la création, la passion, souvent dévorante, la fantaisie, le rêve en somme. Mais sans être déconnectés du réel, car ils aiment apprendre et découvrir. Des modèles à suivre en fait. 

On a finalement passé une superbe journée (c’est le temps nécessaire pour tout voir!) et j’y ai fait des découvertes. Ça me donne le goût d’être un peu plus geek. La bizarrerie, la fantaisie et l’étrangeté ont leur place. Geek vient du vieil anglais gike, dans le sens de fou, de sot. C’est dire le chemin parcouru! De toute façon, on est tous le bizarre ou le fou de quelqu’un d’autre.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.