RODRIGUE TURGEON

C’est bien connu dans le milieu, la vitalité culturelle de la MRC d’Abitibi en doit toute une à Véronique Filion. On ne compte plus les jeunes qui, par centaines, ont été formés – ou, devrait-on dire, transformés – en théâtre à l’École d’Arts La Rallonge d’Amos où plusieurs ont joué les quelque quinze pièces rédigées de sa main au fil des deux dernières décennies. 

Michel et le loup, La folle odyssée de Bernadette, Amos vous raconte son histoire, Val-d’Or vous raconte son histoire… Que dire de ces prestations à grand déploiement des Productions du Raccourci qui s’accommodent de nos rues et de nos salles de spectacle?

En raison du public habitué à tant de francs succès à répétition, notre région en est peut-être venue à tenir tout ça pour acquis. Le moment est venu de reconnaître le grand mérite littéraire derrière ces œuvres marquantes de notre histoire collective. 

Tant mieux, plusieurs pans de l’imaginaire de Véronique Filion sont désormais accessibles en librairie. On y retrouve Michel et le loup en bande dessinée ainsi qu’une collection en cinq volumes présentant les personnages principaux de l’épopée amossoise. Cette percée dans le monde de l’édition ne date toutefois pas d’hier, car dès les premières lueurs de La Rallonge, Les Éditions de l’Envolée, des éditeurs didactiques, ont publié trois de ses pièces. 

La principale intéressée ne cache pas sa passion de l’écriture pour enfants. Elle avoue même candidement son ras-le-bol du monde adulte. « Ça représente beaucoup de choses que je n’aime pas comme l’hypocrisie, le mensonge, le sérieux… ». Elle préfère écrire pour les enfants parce qu’ils sont honnêtes, et « qu’ils ne sont pas durs à embarquer dans l’imaginaire ». Le spectacle Le Dragon des neiges, qui arrive à tout coup à faire courir des enfants de 3 et 4 ans en raquettes dans le bois pour sauver un œuf de dragon, en est le meilleur exemple. 

Si les succès phares de l’autrice auxquels on l’associe d’emblée la ramènent plus souvent qu’à son tour à l’histoire de la région, on sent bien que l’élément commun dans son large répertoire repose sur une trame narrative vivante. Les descriptions s’estompent pour laisser place au mouvement, aux rebondissements, à l’action et aux montées éclatantes. Et c’est tant mieux. 

Au-delà du style, il y a la manière. Et la région peut être fière de l’approche inclusive qu’adopte Véronique Filion envers la Nation Anicinape dans ses récents circuits théâtraux sur les villes de Val-d’Or et d’Amos. Le succès d’une œuvre littéraire se mesure aussi par sa capacité à réunir, à toucher, ainsi qu’à faire rire et pleurer les peuples ensemble. À ce titre, sa contribution se démarque de façon admirable. 

D’ailleurs, pour son prochain projet, elle rêve de doter les peuples d’ici de notre propre bestiaire d’animaux fantastiques. Une ingénieuse façon de marier ses plus grandes forces, à savoir son amour pour les cœurs d’enfants, son respect des peuples autochtones, son intérêt pour l’histoire, son imagination débordante et son vif don du spectacle. 

Chapeau, l’autrice!


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