Benoit-Beaudry Gourd, historien

Le 1er mai 1947, le gouvernement canadien annonce la création d’un programme spécial d’immigration pour accueillir des milliers de personnes se trouvant dans les camps de l’Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) dispersés dans plusieurs pays d’Europe. À l’époque, cet organisme sollicite plusieurs pays, comme les États-Unis, l’Australie et le Canada, pour accueillir ces réfugiés. Les grandes entreprises sont alors autorisées à recruter des travailleurs directement dans ces camps, en dehors du processus régulier de sélection des immigrants. Ceux-ci arrivent au Canada avec en main un contrat de travail d’un an qu’ils doivent respecter sous peine d’expulsion. À la fin de leur contrat, ils ont le droit de demeurer au pays après avoir reçu un certificat de bonne conduite de leur employeur. Le Canada accueille 186 154 personnes dans le cadre de ce programme qui prend fin avec la fermeture, en 1951, des derniers camps de réfugiés en Europe. Les Polonais et les Ukrainiens sont les plus nombreux à s’en prévaloir, mais on retrouve aussi en grand nombre des Yougoslaves, des Tchécoslovaques, des Baltes et des Russes. Ces nouveaux arrivants seront rapidement connus au pays sous le nom de DP, l’acronyme anglais de personnes déplacées (displaced persons).

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Différents groupes d’immigrants défilent sur l’avenue Principale lors des festivités du 25e anniversaire de fondation de Rouyn. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Rouyn-Noranda.

Rouyn-Noranda reçoit plusieurs centaines de ces immigrants qui viennent travailler dans les mines de la région qui manquent de main-d’œuvre alors que l’industrie minière connait une forte croissance dans l’après-guerre. La présence des immigrants dans les mines se fait dès lors davantage sentir. Ces nouveaux arrivants redonnent vie aux différentes communautés culturelles dont les activités étaient en veilleuse depuis la fin des années 1930. Ils sont jeunes, souvent plus instruits et surtout beaucoup plus attachés à leur langue et à leur culture que les immigrants de la génération pionnière fréquemment en voie d’assimilation.

Le recensement de 1961 permet de mieux apprécier l’impact de cette vague d’immigration sur le profil démographique de Rouyn-Noranda qui compte à cette date 30 212 habitants. On recense 3 167 immigrants qui forment 10,6 % de la population. Près de 50 % d’entre eux sont arrivés au Canada après 1945. Les communautés culturelles sont alors à leur apogée. Jamais elles ne seront aussi nombreuses et leur contribution à la vie collective ne sera aussi importante. On assiste par la suite à un déclin extrêmement rapide. Au cours des années 1960 et 1970, l’industrie minière connaît un net ralentissement de ses activités marqué par de nombreuses fermetures de mines, surtout parmi les plus anciennes, justement celles où les immigrants sont les plus nombreux. Un mouvement d’exode s’amorce alors chez les immigrants en direction du sud de l’Ontario, où le secteur manufacturier est en plein essor. La vie communautaire des différents groupes va peu à peu s’effriter.

La contribution des immigrants, tant ceux de la première génération que ceux arrivés dans l’après-guerre, au développement de Rouyn-Noranda est importante. Ils ont participé par leur travail à la croissance économique de la région. Et surtout, leur présence a largement contribué à faire de Rouyn-Noranda une société plus ouverte et plus perméable aux grands mouvements sociaux et culturels du 20e siècle.


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