Il y a sept ans, Yamilé est arrivée en Abitibi-Ouest. Elle venait de loin…

De son plein gré, elle a pris la décision de venir découvrir et habiter ce vaste territoire qu’est la MRC d’Abitibi-Ouest. Elle considère avoir été bien accueillie et réitère son intention de rester.

Yamilé est née en 1987 d’un père professeur, aujourd’hui à la retraite, et d’une mère maître de poste dans un petit village du sud de la grande île de Cuba nommé Camarones, qui signifie « crevettes » en français. Sans doute ce nom espagnol est-il dû au fait que pendant le siècle de la découverte de cette partie de l’Amérique, ce village situé non loin de la mer offrait l’accès à une profusion de ce crustacé, avantage du passé peut-être… Un lieu où la pauvreté était chose commune, mais comme il est situé près du sud de La Havane, porte d’entrée de l’Amérique, ses habitants ont toujours vu venir les touristes des quatre horizons, mais plus particulièrement ceux des pays socialistes d’Europe. Nombreux, les échanges avec la Russie, entre autres, ont marqué le pays.

Après des études en tourisme à Cayo Santa Maria, une île au nord de Cuba, elle est embauchée par dans une agence de tourisme avec Transat, où elle organise des excursions dans tout Cuba et offre un encadrement aux personnes qui préfèrent ne pas être laissées à elles-mêmes. Le mot d’ordre : Vous n’êtes pas seul. Yamilé accompagne tous ces gens enthousiastes qui souhaitent découvrir le milieu de vie des Cubains, les lieux les plus intéressants à visiter, les bons restos et les plus beaux panoramas. En d’autres mots, elle les prend par la main pour les guider en des lieux à ses yeux tout désignés pour leur faire aimer ce pays magnifique. Avec un esprit critique, elle évalue la qualité des services offerts, de l’animation et de la courtoisie indispensable à l’accueil. Le tourisme à Cuba n’a désormais plus de secrets pour elle.

Au fil du temps, le fait de multiplier les rencontres lui donne accès à cette riche occasion d’apprendre d’autres langues, ce qui devient un avantage certain dans le cadre de son travail. Elle apprend d’abord le français à l’oreille et de cette version orale de base et approximative, elle se familiarise avec le français écrit, plus exigeant, mais qui lui permet d’entrer dans cette équation d’ouverture à l’autre par l’écriture. L’ouverture à l’autre devient un autre mot d’ordre qui la caractérise.

À l’origine de sa décision d’immigrer se dessine l’amour à travers une riche correspondance, avec toute la réflexion requise pour confirmer l’authenticité du sentiment partagé. Une belle rencontre que le hasard a permise et qui se poursuit ici depuis quelques années. Les premiers temps, Yamilé trouvait long et difficile de tenter de trouver sa place dans le Nouveau Monde. Puis, grâce à une formation en comptabilité acquise de 2016 à 2018, un passage formateur à la Société d’aide au développement des collectivités (SADC), un emploi permanent au sein de la firme comptable de Raymond Chabot, l’ardent désir de briser l’isolement, la vie dans sa nouvelle famille, l’accès à des activités sociales comme Les Beaux Mardis, où une pratique artistique régulière du portrait lui fait développer des liens tangibles avec des artistes qui cherchent avant tout le plaisir que procure l’art libre, Yamilé s’épanouit à son rythme et partage volontiers avec camarades et connaissances son savoir et ses découvertes. Sa cuisine ravit tous les curieux avec, entre autres, l’onctueux yuca (équivalent du manioc), les frigoles (soupes aux fèves rouges et maïs) et la banane plantain.

Tout compte fait, elle affirme avoir reçu un accueil chaleureux de la part de gens respectueux : « Ça va apporter de la couleur en Abitibi », lui ont-ils chanté sur un ton sans équivoque. Les échanges de bons procédés, surtout la cuisine comme trait d’union autour d’une table bien garnie, font en sorte de consolider les liens d’ouverture souhaitables entre la région et les nouveaux arrivants. Il serait trop facile d’imputer à des pandémies, à des sinistres ou à des catastrophes les raisons de garder nos distances avec autrui, quel qu’il soit. Ce serait là une grave erreur, car il y a toujours moyen d’allier la prudence à l’entraide. À preuve, l’ouragan qui a sévi à Cuba dernièrement et qui a soulevé, sans jeu de mots, un vent de solidarité chez les Cubains, mettant de côté toute réserve, et ceci dans un réflexe de survie et d’élan vers l’autre.

Pourquoi certains arrivants partent-ils après un certain temps? À cause d’une carence en chaleur humaine… Yamilé est convaincue que pour développer de profondes racines loin de son lieu d’origine, il faut vivre l’amour du vaste territoire choisi, une intégration en douceur grâce à des liens d’amitié sincères, des lieux d’échange, du temps pour être ensemble en nature, de la tranquillité, du partage, un grand humanisme, une preuve d’un réel élargissement de cette société d’ouverture et, en plus de tout cela, le sentiment d’avoir enfin trouvé sa vraie place.


Auteur/trice

Chroniqueuse autodidacte pour L'Indice bohémien et pour le Journal Le Pont de Palmarolle. Les sujets couverts touchent, entre autres, l'actualité, la lecture, le jardinage, le végétarisme, l'interprétation de l'objet patrimonial, les arts visuels, le portrait, l'amour de la nature et de la culture. Prix de l'AMECQ 2019 pour la meilleure chronique Notre région a cent ans.