« Je vois juste des images de chevaux ou de compétitions équestres sur les réseaux que je fréquente », affirme une jeune personne passionnée d’équitation. Habitant chez ses parents, ne manquant de rien, elle consacre toutes ses énergies à ce sport. Elle ne connaît pas la crise du logement ni les problèmes d’inflation et s’intéresse de loin aux problèmes environnementaux.

Elle est dans sa bulle comme on dit, ou encore dans son monde. Il se peut qu’elle y trouve refuge pour ne pas voir ce qui se passe dehors. Il se peut aussi, comme c’est le cas pour beaucoup d’entre nous, que les algorithmes, auxquels obéit la machine Internet, l’enferment dans une chambre d’écho. C’est le phénomène qui fait en sorte que les internautes voient défiler sur leurs réseaux sociaux des nouvelles qui vont dans le même sens que leurs opinions. Une étudiante m’a parlé de cela la semaine dernière et m’a invité à y réfléchir. Elle ne fait pas d’équitation et a de la difficulté à arriver comme au moins la moitié de celles et ceux à qui j’ai le privilège d’enseigner. Ça, c’est bien réel, et c’est loin d’être une fausse nouvelle…

J’ai à l’esprit ce gars que je connais depuis longtemps. Il est convaincu que personne n’a marché sur la lune, que la pandémie a été inventée pour nous contrôler et que la planète ne se réchauffe pas. Lorsque je discute avec lui, il termine souvent en me disant : « T’sé Marquis, y’a deux côtés à une médaille. » Cet argument met toujours fin à la conversation. Alors, il allume son cigare et me regarde en plissant des yeux, fier de m’avoir fermé la porte de sa chambre au nez.

Je défonce donc la porte d’un vif coup de sabot et vais voir ailleurs! Nous sommes, en raison de nos familles, de nos occupations, de nos habitudes ou de nos histoires, enfermés dans un spectre d’opinions. C’est normal. Il nous est toutefois possible de trotter, voire de galoper, vers d’autres gens, d’autres villages ou d’autres auteurs ou autrices, que sais-je? Il s’agit de suivre son instinct, de regarder et d’écouter ce qui advient hors de nos prisons mentales.

Évidemment, c’est difficile à réaliser lorsqu’on surfe derrière son écran. Les réseaux sociaux n’ont pas d’instinct, n’ont pas de vie. Ils sont bel et bien orientés par des formules mathématiques. On s’y sent donc chez soi, comme dans sa chambre, car on se retrouve entre gens semblables. Cela ressemble à la manière de voir le monde pour le gars dont j’ai parlé plus tôt.

La dernière campagne électorale fournit un bon exemple de ce que cela peut provoquer. Vous est-il souvent arrivé de tomber sur des opinions vraiment différentes des vôtres en dehors des fils de discussions? Moi non plus!

J’entends des outardes au moment de terminer cette chronique. Elles ne volent pas au-dessus d’une médaille, mais bien au-dessus d’une planète qui a une infinité de paysages et abrite la vie presque à l’infini. Elle est loin d’être plate, notre terre, et encore loin d’être morte.

Au sortir de ma chambre, je me tourne vers l’écho du chant des oies sauvages.


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