Printemps. Les gens sourient, comme si on en venait finalement à bout, de la pandémie et de l’hiver. On vient d’enlever le masque de la COVID. Et le beau temps est arrivé presque en même temps. Mais la réalité nous montre un nouveau visage, non pas pandémique, mais économique et inquiétant aussi : inflation et pénuries, de matières premières, de nourriture, de matériaux, etc. On a tout fait pour préserver la santé de tous, même des plus vulnérables, au prix de confinements et de fermetures. L’État devra agir maintenant pour préserver la santé du portefeuille et du pouvoir d’achat des familles, déjà touchées par deux ans d’incertitude.

Inflation d’abord. Historiquement élevée, galopante, oui, menaçante. L’explication est facile, profitons encore du facteur COVID avec la réouverture rapide de l’économie! Tout le monde a voulu rattraper le temps perdu : on rénove la maison à laquelle on s’est si attachée depuis mars 2020, on se refait une cour de luxe en envisageant un autre confinement printanier, on s’achète un motorisé pour enfin découvrir le Québec, on part en Europe visiter enfin Paris et Rome, avant de mourir! Je caricature.

Mais en gros, l’explication est la suivante : grosso modo, l’État a protégé le pouvoir d’achat de tout le monde avec la Prestation canadienne d’urgence (PCU) et d’autres programmes, tout en limitant la production par les fermetures, les confinements et les autres mesures sanitaires. Ainsi, la fameuse PCU, nuisance sans pareil, a incité beaucoup de monde à prendre le temps de vivre. Résultat? La demande est encore là, encore forte, mais l’offre ne suit pas. Les prix montent partout : épicerie, quincaillerie, essence. Les gilets jaunes français sont apparus quand on a joué avec le prix du carburant. À retenir, à méditer.

Pénuries ensuite, de tout ou presque. Il manque même d’abeilles dans les ruches. C’est partout pareil. Francois Lenglet, journaliste économique, explique : « la reprise post-COVID (encore elle!) a été forte et presque universelle, chauffant à blanc les usines », selon lui. Mais avec la guerre en Ukraine, qui a le dos large, parfois, et la reprise de l’épidémie de COVID-19 en Chine (et cet inhumain confinement de Shanghai, un des grands ports du monde), les chaînes d’approvisionnement sont rompues. « Demande en hausse et production freinée, il n’en fallait pas davantage pour étirer les délais et faire grimper les prix. Pénuries et inflation, voici les nouveaux habits du capitalisme », constate Lenglet.

La pénurie de main-d’œuvre est un autre problème, comme si la population du Québec avait chuté du tiers depuis deux ans! On recrute partout, on se dispute les employés, même ceux sans qualification. Cela entraîne aussi un autre mal, selon moi : le travail des enfants. À 12 ou 13 ans, on travaille dans des restos les soirs de semaine et de longues heures dans les épiceries la fin de semaine. À 12, 13 ans, on est fatigués le lundi matin en revenant à l’école. D’accord, ce n’est pas Germinal, ce n’est pas Victor Hugo : « Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit? Ces doux êtres pensifs, que la fièvre maigrit? Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement. Dans la même prison, le même mouvement. »

Mais quand même, ça en dit beaucoup sur notre société, qui cherche à produire et à consommer toujours plus.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.