Le doux temps est venu apaiser près de deux ans d’hiver. Pas seulement les journées trop froides et le mordant des derniers mois ou le printemps furtif qui a vite fait place à l’été, mais bien deux ans d’hiver social.

En savourant les premiers rayons et les premières chaleurs d’une belle saison, le temps des restrictions amorce aussi sa fonte. Ainsi, la verdure retrouvée et le bonheur de se retrouver démasqués à l’extérieur comme au-dedans apportent un vent de légèreté.

La reprise du cours des jours devient aussi une occasion de renouer avec l’art de vivre. Depuis des semaines, les programmations des festivals et événements se dévoilent et font en sorte que l’agenda se remplit, comme autant de feuilles aux branches.

Il faut dire qu’avec le solstice qui approche et une partie de la lourdeur qui vient de tomber, un sentiment neuf d’urgence s’est créé : reprendre le temps perdu et éviter d’en perdre davantage. Entre les « on est dus », les « si on avait pu » et les « si seulement il ou elle était encore là ». Cette normalité d’avant, que certains ne veulent pas forcément retrouver ou dont d’autres s’ennuient, fait place à une nouvelle réalité à apprivoiser et une autre à accepter.

L’été de tous les deuils, c’est apprendre à accepter les rêves qui nous ont échappé, des liens perdus, ces visages qui faisaient partie de notre quotidien et qui se sont évaporés par une distance forcée. D’autres qui sont partis, sous la main usée de l’âge ou meurtrie par la maladie. Autant de départs, sans avoir eu le temps de se permettre un véritable au revoir, laissant au passé les souvenirs de présences aimées.

Ces deuils du temps d’avant qui semble si loin et cet élan vers un demain encore à bâtir, flambant neuf diront certains, dans une envie de vivre pendant que l’on peut, pendant qu’il est temps, sans repousser à plus tard, sachant que le plus tard pourrait nous être volé, encore.

Dans l’appétit de reprendre le cumul de souvenirs et de moments gravés à chérir longtemps, il y a aussi un mal-être ambiant. Entre le malaise de se revoir de près, les hésitations perceptibles chez ceux et celles que l’on croise, il s’est aussi installé aussi une perception que le temps fuit comme les grains du sablier et qu’aucune justice ne peut prédire si on sera le prochain à s’échapper du réceptacle du haut.

La ligne est mince et il faut parfois se faire funambule pour ne pas basculer d’un côté ou l’autre de la polarité du débat. Suivre sa voie, son chemin, le tracer de nouveau s’il le faut, sans se laisser avaler. Le deuil, aussi, de l’insouciance puisque tout peut nous être reproché. Pas simple de naviguer!

Pourtant, la belle saison est là. Aussi bien faire le plein de bonheurs dans ces rencontres planifiées ou fruits du hasard pendant que fleurissent les fleurs et que l’on peut remiser les équipements d’hiver.


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.