« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». C’est de Jacques-Bénigne Bossuet, prêtre et écrivain du XVIIe siècle, un homme simple, inspiré par la philosophie grecque et l’histoire romaine. Une phrase vieille de plus de 250 ans, mais terriblement actuelle.

On peut facilement se représenter Dieu au ciel qui nous observe depuis des siècles. Il a sûrement pleuré beaucoup et s’est souvent mis en colère devant nos folies. Il a probablement été fier aussi : tout n’est pas mauvais chez l’être humain. Il a pu rire aussi, bien des fois. Et il doit rire en ce moment, comme Bossuet le dit, de ce qui résume parfaitement un des travers de notre époque : l’incohérence.

Nous nous lamentons sans arrêt, mais sans effacer ce qui nous préoccupe, nous trouble ou plus encore, nous fait souffrir. On ne peut connaître à l’avance les effets de nos choix individuels ou collectifs. Ils surviennent souvent longtemps après. Mais une fois qu’on les connaît, il est ridicule et pathétique de poursuivre dans la même veine, de reproduire les mêmes causes. De garder le cap. Un peu comme le Titanic qui fonce sur l’iceberg. C’est continuer à jouer dans l’orchestre sur le pont, pendant que le navire sombre, et faire semblant que la croisière s’amuse encore.

Dieu doit se rire beaucoup de nos sociétés et de nos débats actuels. Bossuet pointe du doigt, à plus de deux siècles de distance, l’esprit lâche, l’esprit faux, celui qui se réfugie dans les bonnes intentions et les grands discours, mais qui n’assume et n’agit pas. Au Québec, il y a cette image fameuse, qui veut dire à peu près la même chose : les bottines doivent suivre les babines! Dieu se rit, par exemple, de ceux qui critiquent l’argent et la société de consommation tout en refusant de prendre les réels moyens d’en sortir.

Prenons le cas de la marijuana. On s’inquiétera dans un avenir proche des effets psychologiques et physiques, on parlera de schizophrénie et de diminution des capacités du cerveau. Mais en attendant, on fait la grande promo de la Société québécoise du cannabis (SQDC), on commence les nouvelles avec les pénuries de pot et l’Institut de la Santé publique espère un programme national pour accompagner les jeunes dans leur consommation. Dieu se rit…

L’anxiété chez les enfants? On propose d’en soigner les effets : manger mieux, bouger plus, respirer à fond. On va outiller les éducateurs et les enseignants. On ne se pose pas souvent la question d’où vient cette anxiété (ce n’est certainement pas à cause de l’eau qu’on boit). Écrans? Pression de performance dans les activités et les loisirs? Horaires de fous, même pour les plus jeunes enfants? Stabilité familiale? Dieu se rit…

On collectionne les appareils électroniques, on y met nos cartes, nos agendas, nos codes, on achète et on fait des affaires en ligne. On met notre quotidien fantasmé sur Facebook. Ironique ensuite de s’inquiéter des menaces à la vie privée à la 1984. Dieu se rit…

P.S. Je termine cette chronique et Notre-Dame-de-Paris est détruite par les flammes. Dieu pleure… 


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.