Avec le soleil et les vacances, il est conseillé, durant l’été, de décrocher. Ma femme et moi pensons aussi à nous débrancher, à nous déconnecter : couper le câble, garder fermée la télé, laisser les écrans de côté. Reste à trouver les mots pour convaincre les enfants, si c’est possible. Ces machines sont devenues presque des organes vitaux. L’amputation est douloureuse.

                                                                                 

Côté télévision, ça serait pourtant simple à faire. Même si les chaines se multiplient, se spécialisent, rivalisent, la télé n’offre plus grand-chose. Du vide. On pitonne, on zappe. On passe de la téléréalité montrant des célibataires en chaleur à la 38e émission de rénovation animée par une autre vedette qui se fera commanditer ses travaux, en passant par des doublages américains « cheap » à D, V ou Z. TVA présente des entrevues où tout le monde se congratule tandis que la chaine Historia diffuse NCIS qui n’a strictement rien d’historique. Même Radio-Canada, qui place parfois à l’horaire des coups de génie (19-2), abandonne lentement son rôle et son public. Mais les cotes d’écoute semblent encore au rendez-vous. La recette fonctionne : simplicité, légèreté, unanimité. Abrutissement ?

Et si seulement il n’y avait que la télé comme écran ! C’est plutôt la surabondance. Même les écoles, qui pourraient être des sanctuaires, s’y mettent à grande vitesse. Les tableaux interactifs offrent, finalement, les mêmes choses que le iPad : mouvement, éclat, son et lumière.

On commence à comprendre les méfaits que les iPhone, tablettes et autres ordis peuvent provoquer : problèmes de sommeil et de posture, usure des yeux, dégradation des relations, difficultés de concentration, perte de motivation scolaire. Dans son essai intitulé Cosmos sur la vie, la nature, l’univers, le philosophe Michel Onfray livre un long plaidoyer contre les écrans. L’accusation est claire, et lourde : ils détruisent le temps. Tout devient instantanéité, immédiateté, rapidité : « le temps du cosmos, un ordre plurimillénaire, a disparu au profit du temps des machines à produire de la virtualité ». Onfray va même plus loin, plus durement. Ce temps long maintenant mort, charcuté en miettes par les écrans, rend impossible la patience, l’attention, la concentration, l’intensité :

Cette dilution dommageable transforme en illettré le lecteur incapable de lire de longs livres, en crétin l’individu qui ne sait plus soutenir son attention et sa concentration au-delà de cinq pages d’un essai, en demeuré celui qu’on a habitué aux temps brefs des pastilles radiophoniques et télévisées.

 

Donc, de la paresse intellectuelle. Une incapacité à prendre le temps, à méditer le présent, à réfléchir sur des choses complexes. Mais il reste une solution : limiter les écrans, à défaut bien sûr de les éliminer complètement, revenir à l’envergure culturelle, au réel, à la longue durée.

Peser sur off. \


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.