Avant la numérisation du cinéma existaient les chutiers, des bacs au-dessus desquels on accrochait les morceaux de pellicule qui avaient été coupés. Ces morceaux de pellicule, appelés les « chutes », sont les images exclues du montage définitif. Or, en danse, une chute, c’est la partie disgracieuse, brute, organique de l’art. « C’est aussi ce que je voulais montrer dans ce court-métrage », m’explique Béatriz Médiavilla, réalisatrice de 3 mouvements de chutes. « C’est la partie après, où on expire, où on laisse échapper le souffle avec l’effort physique. » Pas facile pour celle qui a réalisé Danse avec elles de choisir parmi les 250 heures de chutes les neuf minutes qui allaient devenir ce court-métrage expérimental, sans paroles, mais avec des sous-titres français, anglais et espagnol. Quant aux mouvements, ce sont des raccords en danse comme en cinéma, des segments reliés entre eux pour former un tout. « C’est un choix de mots réfléchi, souligne la réalisatrice. Pour moi, ce vocabulaire de la danse est instinctif, le film se veut plus poétique que didactique. »

 

Dans le film, les aperçus des chorégraphies laissent deviner le thème original de la chorégraphe Lynn Vaillancourt : la solitude. Béatriz l’interprète à sa manière, elle qui est issue de parents espagnols, immigrants dans la région. « Cette solitude, je la vois dans les racines comme dans l’exil, mais elle est apprivoisée par la résilience de la nature et par la communauté et c’est cette fraternité qui est symbolisée dans le geste de la danseuse qui nous tend la main. »

 

Habituellement, qui dit réalisation artistique dit financement, tandis que ce court-métrage n’a nécessité que peu de sous pour la préproduction, les chutes existant déjà. Il a quand même fallu filmer de nouvelles images, celles en couleur où on voit la danseuse Camille BoisJoyal dans la nature, à l’extérieur du studio de danse ou du théâtre. C’est là que Béatriz a pu jouer avec le temps, l’espace, le matériel, les costumes, les couleurs et le corps dans la nature.

 

« Danse avec elles a été réalisé en 2012, inspiré de toutes les expositions et festivals auxquels j’ai assisté. C’est durant mon congé différé en 2015 que j’ai connu un élan de création qui a alimenté ma volonté d’enrichir ma pratique en tant que cinéaste et enseignante », me confie Béatriz, qui depuis 20 ans enseigne au département de cinéma du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue.

 

« La compétition dans le domaine des courts-métrages est féroce, souligne-t-elle. C’est pour ça que je suis vraiment contente que le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue ait retenu le mien cette année. C’est une belle marque de confiance. »

La case horaire de la première mondiale de 3 mouvements de chutes sera connue lors de la publication de l’horaire du FICAT, le 13 octobre prochain.\

 


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