Le Festival va prendre son envol bientôt. Du 31 octobre au 5 novembre, Rouyn-Noranda sera cinéma. Tout le monde en ville sera cinéma.
Ce qui fait la particularité du Festival de cinéma international en A-T (FCIAT), ce sont les cadeaux qu’on offre au public. C’est Noël juste avant Noël. Personnellement, je m’achète toujours une tenue à l’occasion de la soirée d’ouverture. Une petite robe noire en général. Elle va faire pour Noël. C’est Noël avant Noël.
En guise de cadeau, le Festival n’offre pas que des films : il offre une atmosphère, une manière de vivre, de respirer le cinéma. Tout le reste de l’année, je peux gentiment tirer la pipe à mes amis de Montréal : « Ah oui! Il est bien ce film, je l’ai vu au Festival ». Pour une fois, j’ai vu des films avant eux. Un autre cadeau.
Il y a la fébrilité aussi. Vite, il faut manger! Vite, il faut aller voir cette autre projection à la scène Paramount, au cinéma Paramount, au Centre d’exposition. Presse-toi, il faut aller entendre Claude Robinson au Centre des congrès! Déjà qu’il fallait se dépêcher de souper, maintenant il va falloir se dépêcher de déjeuner grâce au volet Ciné-Matin. Beau problème. Plus que jamais, cependant, je constate que le don d’ubiquité me serait franchement utile…
Le Festival offre le monde : des films de partout, exprimant chacun une vision particulière de la société dont il provient. Un film est un microcosme dans lequel l’univers est contenu. Que le film dure 8 ou 120 minutes n’a pas de réelle importance. Nous recevons des invitations de chacun des cinéastes qui nous proposent un film : à nous de les accepter respectueusement.
C’est une expérience collective de cinéma qu’offre le FCIAT, pratique en perte de vitesse, qui s’explique en partie par de nouvelles habitudes d’écoute de l’économie numérique (Netflix, Youtube et autres). Il faut pourtant se rappeler que le succès du cinématographe des frères Lumière résidait à l’époque dans l’aspect collectif de l’expérience cinéma. La machine d’Edison, le kinétoscope, reposait sur le visionnement individuel et s’est perdue dans le temps. Le cinéma existe parce qu’il est projeté, parce qu’il est vu en groupe. Il faut fréquenter le foyer du Théâtre du cuivre aux pauses et à la fin des projections pour comprendre. Le FCIAT nous offre la collectivité, il nous permet d’être en groupe, de participer en groupe à cette expérience impossible à renouveler; voir des films avec d’autres. Certes, on peut revoir le film, on peut même le revoir avec d’autres personnes, mais la foule change, nous changeons et le film, fatalement, change. L’expérience reste unique.
Le Festival permet aussi aux gens de mettre leurs forces en commun et de réaliser cet édifice unique, précieux et fragile qu’est ce grand party cinématographique. L’équipe dynamique et professionnelle du FCIAT ainsi que son armée de bénévoles fidèles – certains s’impliquent depuis des dizaines d’années – en est la preuve. On crée du rêve avec du rêve, et tout cela grâce à la ressource naturelle la plus précieuse de l’Abitibi-Témiscamingue : la ressource humaine de catégorie AAA.
C’est également au sein de la collectivité que puise le FCIAT en faisant appel au milieu local pour composer ses jurys. Être choisi pour faire partie d’un des jurys est un cadeau de prestige : pendant 5 jours, vous êtes un V.I.P. choyé. Pris en charge, vous n’avez qu’à regarder des films, discuter de ces productions entre vous, mais également avec les réalisateurs invités. Comme le dit l’adage à la mode dans les médias, vous vivez une expérience 360 degrés! Je le sais, je l’ai fait il y a quelques années. Il m’a fallu deux petites robes noires…
Cette célébration du cinéma d’ici et d’ailleurs a fait naitre au fil des années un public de cinéma averti, mais a certainement contribué à l’émergence d’une nouvelle génération qui croit en la viabilité de la culture dans la région. L’effervescence actuelle n’est pas apparue de façon spontanée : il a fallu créer un terroir fertile et dans cette perspective, l’impact du Festival est important. Les Éric Morin, Serge Bordeleau, Martin Guérin, Dominic Leclerc et autres n’auraient peut-être pas émergé si, justement, le Festival n’avait pas montré que le cinéma était possible ici. Que la culture était possible.
Faites le plein d’énergie, car faire le festival est une expérience physique intense. On court à droite et à gauche, on mange sur le pouce, on discute, on cherche des gens, on rentre tard le soir, on reste des heures assis. On en sort lessivé, mais content. Comme après l’amour. \