Je ne voulais pas écrire cette chronique. Mais les circonstances m’obligeaient, comme prof, à rédiger une suite à mon texte de septembre et à revenir sur ce qu’on est en train de faire à l’école et à ses principaux artisans au nom de la Sainte-Austérité. Comme les milliers d’autres enseignants, qui paient eux-mêmes leurs stylos rouges et leurs cahiers (merci pour les craies!), j’ai comme employeur un gouvernement qui m’envoie un double message : tu ne travailles pas assez ET tu me coûtes trop cher. Choquant, surtout quand le messager est un docteur qui a reçu l’Éducation comme prix de consolation. Examinons les choses une par une.

Primo, le gouvernement voudrait nous faire travailler trois heures de plus à l’école. Nous en travaillons déjà 32 et sommes payés pour 40. Beaucoup de préparation et de correction sont donc faites chaque semaine à la maison. À première vue, cette mesure ne semble être qu’un aménagement différent de l’horaire. Mais il y a une très grosse anguille sous la roche : ce n’est pas pour nous faire profiter des ordinateurs (un pour dix profs!), ni pour encourager le travail d’équipe, non. Ces trois heures de plus ouvrent la porte à une réelle augmentation de la tâche, à plus de réunions, de suivis, de paperasse, voire à de la suppléance. Et ce qui est normalement fait à la maison devra l’être encore, mais avec moins de temps.

Deuzio, le gouvernement souhaite augmenter le nombre d’élèves par classe et y intégrer plus d’élèves handicapés et avec des difficultés de comportement et d’apprentissage. On enlève les cotes et ainsi, on élimine les classes spéciales, on réduit les services, on coupe les primes en argent aux profs, déjà minimes. En bref, on nuit à tout le monde. On s’inquiètera ensuite des taux de réussite et de décrochage et du désabusement des enseignants, sur qui reposera l’entière responsabilité du bon fonctionnement de ces classes et du succès des jeunes.

Finalement, côté salarial, le gouvernement propose des pinottes, comme aux écureuils : 3 % sur cinq ans. L’état des finances publiques l’exigerait. Ça pourrait se comprendre. Mais curieusement, l’austérité n’existait pas quand il a fallu donner un milliard de plus aux médecins. Ni pour 15 000 travailleurs d’Hydro-Québec qui auront plus de 12 % sur quatre ans. Pourtant, ce sont les payeurs de taxes, supposément pris à la gorge, qui paient aussi leur électricité. Voilà : quand il s’agit des profs, la capacité de payer, les comparaisons avec l’Ontario ou les grands discours sur l’exode des cerveaux ne tiennent plus.

Il ne faudra donc pas se surprendre de voir les profs réagir ce printemps, ni de les voir quitter la profession, encore moins de voir les facultés d’éducation être désertées. La profession enseignante n’est plus valorisée, ni par la société, ni par l’État. Ce n’est pas le congé de juillet et août ou la retraite qui vont suffire. On fait le pari que l’ignorance coûte moins cher. Des ciseaux pour l’école? Non, une massue et un grand coup!


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.