J’aime mon iPod
> dominic ruel
En décembre dernier, j’ai décidé de m’acheter un iPod. Je me faisais un cadeau de Noël. Ma blonde a fait de même, parfait!, ça évite les déceptions. Commande par Internet, clic, ça arrivera par la poste. J’ai attendu le joli appareil avec impatience, pendant deux semaines. Et il est arrivé enfin, ma foi, dans un joli boîtier. On aurait dit un bijou. Il est argenté, en plus. Avec mon pouce seul, maintenant, je pourrai avoir toute la musique que je veux…

Je ne suis pour tant pas un maniaque des nouvelles technologies. J’ai encore les oreilles de lapin accrochées à ma télévision, sans câble, ni satellite. Ma chaîne stéréo peut lire les cassettes. J’ai un ordinateur por table, oui, mais toujours branché à deux,
trois fils. Pas de cellulaire, pas d’agenda électronique. Et je me promets de ne jamais lire un livre en entier sur un écran, ni de cesser de lire mon Devoir, en papier, sur la table de la cuisine. Je fuis Twitter et je préfère parler à mes amis devant un verre et non sur Facebook. On m’appellera peut-être le dinosaure.


Mais mon iPod, je l’aime. Il est beau, petit, pratique. J’ai commencé par copier mes CD dessus. Ma collection de Rush, bien sûr, et toutes ces autres chansons que j’aime, pigées çà et là sur mes disques. Impressionnant, cet iPod! Le nom des groupes apparaît, on peut aussi avoir l’image de la pochette de l’album. Et quand j’appuie sur le bouton du centre, y a même
une voix de madame qui dit le nom de la chanson. Moi qui ne comprends même pas le fonctionnement du gramophone… Je suis ensuite passé à l’étape suivante : iTunes. Des chansons par millions, à 0,99 $ ou 1,29 $. Prix très raisonnables.
Le prix est impor tant, parce que je veux payer pour ma musique. Les adeptes des MP3 qui se vantent de télécharger gratuitement me font suer. Mais c’est typique de notre époque : c’est rapide et gratuit. 


C’est pour tant un vol, sans cagoule, la souris au poing. Beaucoup moins de gens auraient piqué un disque dans un magasin. Mais Internet et son anonymat encourage bien des lâchetés. Lâchetés dont on se vante presque, en banalisant tout le processus de création, ses difficultés, ses angoisses, ses miracles. Ne faisons pas l’autruche pour autant. C’est l’évidence, c’est l’évolution normale : le téléchargement est là pour rester, le CD va disparaître, comme le 8-Track, le vinyle, la cassette. Ne soyons pas nostalgiques non plus : l’automobiliste ne s’ennuie pas de la calèche, ni le bûcheron de sa sciotte à bras. C’est toute l’industrie de la musique qui se retrouve bouleversée par les nouvelles façons de consommer. Le téléchargement est une arme à deux tranchants. D’un côté, ce piratage, facile, qui nie le droit à l’artiste de voir son talent et son travail rémunérés. Je
sais, Madonna ou Metallica n’ont pas besoin de mon argent, mais ils en ont fait parce que leur musique, leur son, ont rejoint un grand nombre de consommateurs… qui payaient! De l’autre, la musique en ligne offre, via Internet, une visibilité illimitée, un auditoire très large qui pourra apprécier les ar tistes et leurs oeuvres. C’est l’infinité des possibilités, et le talent, ce sera maintenant aussi de savoir profiter de toutes les tribunes, virtuelles ou non. La fin du CD et l’arrivée des lecteurs numériques,
des iPod, qui seront aussi un pas de géant pour l’environnement (fini le plastique, fini le transpor t!), c’est aussi la fin des albums à deux bonnes chansons, faites pour la radio, question d’appâter le client pour qu’il achète l’album. R.E.M, il me semble, en avait fait une spécialité dans les années 90 : une ou deux chansons à la Losing my Religion, succès à la radio,
on se précipite acheter le disque qui, au final, n’est presque pas écoutable. Avec l’achat en ligne, qui permet d’acheter un album ou une chanson à la fois, l’ar tiste sera alors mis devant un grand défi, celui de composer toujours sa meilleure chanson. Sinon, elle végétera sans acheteur quelque par t dans le Web. J’aime donc mon iPod. Je le traîne dès que je le peux. C’est le nec plus ultra des « greatest hits ». C’est comme si, au fond, j’étais fier de moi d’avoir fait ce petit saut dans le temps et d’être enfin, technologiquement, un peu, à mon époque. D’être moins dinosaure.

 

Mais rassurez-vous, je ne perdrai pas mes vieilles habitudes : après avoir lu le journal dans le salon, devant ma télé qui « griche » un peu à cause des antennes, je vous appellerai avec mon téléphone à fil pour vous inviter à prendre un café, pour jaser. C’est beaucoup mieux que Facebook, je vous le jure!


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.