L’exposition Des buttes et de la sculpture de l’artiste témiscamienne Joanne Poitras est présentée au Centre d’exposition d’Amos jusqu’au 2 septembre. Ces Ses œuvres sont des incarnations à la fois cérébrales, sensitives et matérielles du rapport de l’artiste au monde et à son milieu.

Native de Saint-Eugène-de-Guigues, Joanne Poitras vit maintenant à Rouyn-Noranda où elle a cofondé l’Atelier les mMille Ffeuilles. Elle est aussi cofondatrice de la Biennale internationale d’art miniature de Ville-Marie. Maître en arts visuels et médiatiques, sa pratique artistique s’exprime par l’estampe, la peinture, la sculpture et l’installation. Ses œuvres ont été exposées partout au Québec, ailleurs au Canada, en France, en Irlande, en Nouvelle-Zélande et en Argentine. Engagée dans sa pratique artistique, elle donne des formations en tant que chargée de cours à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

AU CŒUR DU TERRITOIRE ET DE SES HABITANTS

La vie n’est que changement, mais « on avance mieux sur les eaux de la vie lorsqu’on est à l’écoute », mentionne l’artiste. Dans la nature, les buttes sont souvent ce qui subsiste, ce qui a résisté à l’érosion du vent ou de l’eau, ce qui place face à face durabilité et fugacité, équilibre et mouvance. Et que dire des buttes façonnées par l’Homme : mines, gratte-ciels, usines et autres; tumulus pérennes, témoins de l’éphémérité l’aspect éphémère de ses besoins, de ses fantasmes et de sa puissance. 

C’est depuis qu’elle est toute petite, en auto avec ses parents, que les buttes fascinent Joanne Poitras : des amoncellements d’abattis ou de débris de toutes sortes le long des routes. Et plus tard les pyramides, vestiges immémoriaux de la puissance des pharaons. Alors, toujours soucieuse de rester connectée d’une manière physico-émotionnelle et cérébrale à son milieu, l’insatiable intérêt de l’artiste envers le territoire et ceux qui l‘habitent l’incite à la cueillette de mots, de gestes et d’artefacts, pour façonner ses œuvres.

DES BUTTES RACONTEUSES

La présente exposition est une rétrospective d’une partie de la pratique artistique de l’artiste, car l’estampe en installation et la peinture y prennent beaucoup de place. Comme des livres, ses œuvres témoignent du passage de l’Homme et de la nature dans le temps. Ses buttes racontent des histoires au spectateur qui déambule entre et autour des œuvres qui sont unies par la thématique de la butte, mais indépendantes de sens. Petites ou grandes, les buttes de Joanne sont les témoins des actions, désirs, comportements et espérances de l’Homme. 

La sculpture Sur le village est composée de plusieurs artefacts récupérés d’un brasier dévastateur : pentures, ciboire, carte de bingo, ostensoir, calendrier, armature, clous, reliquaire, etc. L’œuvre devient un phare qui rappelle l’église du village où Joanne a été baptisée et où presque tous les résidents du village (Saint-Eugène-de-Guigues) ont vécu des moments inoubliables, difficiles pour certains et heureux pour d’autres. Une étape de leur vie que la sculpture offre aux regards de l’observateur.

Ainsi, avec les six buttes (Le feu, Le prix de l’homme, Comme le vent force fragile, Le nombre d’or, Pour l’instant l’arbre, Sur le village) et la photo de La montagne, immense butte élevée en 1997 à Amos, l’exposition devient une bibliothèque qui héberge, à l’abri du temps, des histoires révolues ou d’actualité, mais toujours porteuses de sens. Conçues d’un esprit « que l’art a rendu avide de connaître », mystérieuses et interrogatrices à première vue, ces œuvres sont des symboles qui accrochent l’esprit assoiffé, soutenant le propos de l’artiste et ne laissant personne insensible. 

LA MONTAGNE

Au 3e Symposium en arts visuels de l‘Abitibi-Témiscamingue tenu à Amos en 1997, Joanne Poitras élevait La montagne, une œuvre monumentale d’argile et de sable recouverts de pierres. Environ 1350 personnes ont écrit sur plus d’un millier de pierres de schiste du Témiscamingue (il y avait même une demande en mariage) que Joanne et les jeunes filles qui l’aidaient ont, dans le plaisir, marié à des pierres de l’Abitibi. La butte de pierres ficelées de fils multicolores, à la façon des quipus incas, appelait à la communication entre les humains. « Quel plaisir ce fut! Toutes ces rencontres qu’on a faites et les expériences vécues… quels beaux souvenirs! Un formidable projet, grâce à un comité organisateur attentif et tripeux, à une ville et une population impliquée ainsi qu’à des commissaires inspirés. Je suis privilégiée d’y avoir participé comme artiste. » Depuis lors, c’est avec imagination, patience et résolution que Joanne Poitras, telle une cueilleuse, glane çà et là des pièces fabriquées ou des éléments naturels qui s’offrent à son regard vigilant pour en faire, avec minutie et créativité, un ensemble cohérent. Non pas des histoires inventées, mais des plastiques du réel, expressions esthétiques de la réalité.


Auteur/trice

Ingénieur forestier pour Domtar Woodlands, la Société d’État REXFOR et puis à son compte, Gaston a pris sa retraite en 2006. De retour sur les terres de sa jeunesse et fort d’un baccalauréat en Études littéraires, il se consacre à l’écriture tout en collaborant avec L’Indice bohémien depuis 2016 à la rédaction de textes et à la distribution du journal.