Danielle Boutin-Turgeon fait revivre le souvenir du quartier sud de Malartic

Des maisons et des hommes

Par Ariane Ouellet 

Cet été, à Malartic, on pourra assister à la naissance d’une toute nouvelle forêt. Unique en son genre, elle sera composée de poteaux de téléphone récupérés dans les rues du quartier sud de la ville. Cette installation artistique permanente créée par Danielle Boutin-Turgeon se veut un lieu de mémoire et de rassemblement pour les citoyens touchés par la disparition d’un quartier entier.

C’est lors du déménagement des quelque 200 maisons du quartier sud de Malartic, en 2008, que Danielle Boutin-Turgeon, saisie d’émotion, commence à documenter ce moment historique. Elle photographie alors les maisons, une cueillette d’images qui servira de base à un projet en plusieurs phases, culminant à l’été 2011 par une installation d’art contemporain: la Forêt d’an-temps.

La phase 1 du projet est un livre d’artiste, réalisé en gravures, ayant comme trame le déménagement de Roc d’Or (sorte d’ancêtre de Malartic), que les autorités religieuses souhaitaient voir démantelé pour cause de mauvaise réputation. La phase 2 est une exposition de peintures sur le même thème; ces deux parties du projet ont pour titre Malartic aller-retour, faisant référence aux deux déménagements de la ville (1943 et 2008).

Le deuil d’un milieu de vie

La phase 3, de loin la plus audacieuse, consiste en la récupération de 16 des poteaux de téléphone provenant d’autant de rues disparues ou tronquées du quartier sud, et en leur plantation dans un parc. « Je veux créer un lieu de mémoire et souligner le lien d’appartenance des gens, explique Danielle Boutin-Turgeon. Même parti, on a le droit de revenir sur place. » Les panneaux des noms de rues ont été aussi été récupérés à la demande de l’artiste et seront fixés aux poteaux. On y verra aussi une petite plaque de métal représentant un croquis des maisons disparues dans le tumulte, identifiées par un simple « Au 233 », selon leur adresse. Comme le projet est participatif, les citoyens qui le désirent sont invités à aller installer le numéro civique de leur ancienne demeure. « La rencontre avec les gens, c’est ce qui me touche le plus. Ils m’apportent des choses que je ne connaissais pas sur leur maison, c’est très émouvant. »

Un parcours qui semble inévitable pour cette artiste qui réside à Malartic depuis 42 ans et qui s’est toujours intéressée de près au patrimoine bâti. En effet, dès 2002, alors qu’elle entamait à peine sa carrière d’artiste, le patrimoine bâti vernaculaire était au cœur de ses préoccupations artistiques. Les petites maisons de colonie, les églises, les bâtiments intimement liés à notre histoire : autant de bâtisses dont l’âme reflète celle de ses habitants.

Pour mener à bien le projet, l’artiste a bénéficié du soutien de la Ville de Malartic, de la Corporation Minière Osisko et d’une bourse de création du Fonds dédié aux arts et aux lettres de l’Abitibi-Témiscamingue. Il est à noter que le public pourra voir l’exposition Malartic aller-retour au Centre d’exposition de Val d’Or en novembre prochain.


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