L’époque est au retour des curés qui, du haut de leur chaire médiatique, dans leurs églises cathodiques (jolie expression, que j’ai empruntée), propagent la Bonne nouvelle ou annoncent l’Apocalypse. Ils sont journalistes, chroniqueurs, commentateurs, ils sont artistes ou activistes. Ils ont du temps et de l’espace, ils ont les porte-voix et les caisses de résonnance nécessaires. Ils sont pleins de bonnes intentions pour certains, pendant que d’autres sont téléguidés, en sous-main.

 

Ce sont de grands donneurs de leçons. Comme le dit le poète Gilbert Choulet, ils pullulent, mais les montreurs d’exemples sont par contre beaucoup plus rares. Ils sont un peu prophètes, ils ont vu la Lumière, ont connu leur chemin de Damas, ils prêchent, avertissent ou menacent. Ils sont bien pensants. Ils savent, ils détiennent la vérité, issus, qu’ils seraient, d’un informe microcosme qui aurait défini, dans leur confortable entre-soi, ce qui est le camp du bien, de la bonne morale publique. Ce sont des manichéens : noir ou blanc, bon ou méchant, Ciel ou Enfer. Ils divisent le monde en deux.

Ils exhibent leurs convictions, une certaine pureté de leur âme et leurs bonnes actions. Ils prétendent souvent laver plus blanc que blanc. Leurs bons sentiments se prennent pour des vérités. Mais c’est une posture difficile parce qu’il faut une telle cohérence. Attention à l’effet boomerang! Les nouveaux curés recevront le balancier. Oui, ils sont traqués sur Internet, par ceux à qui ils ont fait la leçon et la morale. Ces derniers cherchent et partageront des statuts et des tweets anciens, de vieilles photos, qui pourraient leur faire perdre la face.

Réfléchir par soi-même devient un défi. La liberté d’expression s’amenuise. Les nouveaux curés n’aiment pas. À moins que ce soit pour corroborer ce qu’ils disent eux-mêmes. Penser librement est un risque de se voir étiqueter de ces nouveaux concepts vides, conçus dans les facultés américaines de sciences sociales, pour donner un autre sens à la réalité. Une forme de novlangue écrite par les vrais héritiers d’Orwell. Sortir du cadre devient difficile, car ils pointent leur doigt inquisiteur : racisme, islamophobie, misogynie! Ils accusent d’attiser les haines, de provoquer les peurs (mais pour le climat, c’est de bonne guerre!). Les nouveaux curés veulent faire taire, interdire des postes, des chaines, des pages, bloquer, bannir, censurer. C’est la preuve d’une faiblesse intellectuelle. Ils doutent de leurs propres arguments, de leur forme et de leur pertinence. Donc, plusieurs voudront intimider, par les menaces et la violence, aussi.

Tenez! En quittant la politique municipale, voilà Luc Ferrandez, maire du Plateau-Mont-Royal, qui n’a pas fait que des conneries, se dire prêt à revenir s’il y avait une demande pour un leader progressiste autoritaire. Oxymore des plus troublants. Il ne s’agit donc plus de convaincre, ce qui est la richesse du militantisme et de la démocratie, mais d’imposer, de force. Drôles de curés, drôle de gauche!


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.