Réal Tousignant

Il est admis que l’on se souvienne longtemps des mots et des paroles qui nous ont touchés au cœur. Or, qu’en est-il lorsqu’il s’agit de l’âme d’un peuple et de son identité collective? Au-delà du « Je me souviens », tronqué de sa mémoire historique, les Québécois ont-ils encore la capacité de ressentir profondément les racines de leur passé?

Pourtant, tout est là. Hélas, l’aliénation de soi et l’amnésie collective restent encore, tristement, l’héritage des colonisés. Les choix au présent vers un avenir prometteur ne sauraient se passer, comme le chante Vigneault, « des connaissances et des reconnaissances du temps trouvé ».

Le chant des poètes peut résonner à nouveau, à qui se donne la peine d’y retourner. Félix, Vigneault, Léveillé, Ferland, Lévesque et combien d’autres ont ouvert la voie, puisant à la source des mots et du silence, et sachant y joindre les musiques qui y sont cachées. De ces œuvres immenses, il est des trésors enfouis, même dans les pièces moins connues, presque oubliées. Que ce soit Le Nord du Nord et la quête éperdue de l’Homme, de sa nature et de la nature – « Quand j’aurai dépassé vos pièges, les loups mangeront dans ma main » – ou encore l’urgence de vivre et l’ivresse envoûtante de Léveillé avec qui Enfin revivre rejoint Le bateau ivre de Rimbaud. Ce n’est qu’au prix de ce ressenti, de cette reconnexion avec nos sources, que nous pourrons Vivre debout et monter Un peu plus haut, un peu plus loin. La force et le courage ne peuvent surgir que de l’intime, et les poètes nous en montrent la voie. L’art, sous toutes ses formes, n’a qu’une seule mission : éveiller l’âme en chacun de nous, afin que monte le chant des peuples.

Il est temps de « rapailler » les morceaux, et de cet homme recomposé, de cet Homme rapaillé, terminer le Tour de l’île, et dire avec Miron que le Québec adulte n’a de solution que politique, signée indépendance.

Rejoignons nos frères nordiques, les Scandinaves, dont les mesures sociales et la quête du bien commun sont devenues les assises de la société. Nous ne pourrons rayonner de par le monde et aider les plus démunis qu’au prix de l’épanouissement de ce Bonheur intérieur brut. La fierté et la dignité s’abreuvent aux racines profondes des ancêtres, et leur fusion habite le regard des hommes qui, entre eux, savent se reconnaître.

Sous les arcanes d’un mythe fondateur, en français, nous pourrons vivre l’idéal de la Terre des hommes de Gabrielle Roy, empreint de noblesse et d’ouverture, et dire à tous les peuples, avec Joséphine Bacon et Mères et grand-mères au front, « Je m’appelle Humain. ».

« La connaissance du visage humain d’un pays est la plus grande culture qu’un homme puisse acquérir en sa courte vie. » Voici Les gens de mon pays afin que de tout ce que le vent emporte ne meure l’essentiel : la splendeur de ces Fragiles Lumières de la terre.

Québec. Terre d’accueil. « Pour les humains de l’horizon. Et les humains sont de ma race », car au lendemain de « L’An 1 », « le fils est là », magnanime, et « ses yeux sont bleus avec du vert dedans », le vert de l’espoir d’un peuple, de tous les peuples.

Avec Pierre Perreault, il est temps de passer de « solitaires » à « solidaires ». Il est temps de vivre en « Cornouailles ». Il est temps de nouer les cornes, Pour la suite du monde.


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