LISE MILLETTE

Il y a quelques mois, ma fille est revenue à la maison avec un ramassis de plantes pour assainir l’intérieur et garnir l’habitation de « vivant ». Une dame, dont elle ignorait le nom, lui avait remis un assortiment hétéroclite de verdures en pots. Elle le lui avait offert au lieu de l’envoyer valser au bac brun alors que plusieurs des plantes montraient des signes de dépérissement. 

La valeur moyenne de l’assortiment ne tenait pas à grand-chose et l’ensemble relevait davantage d’un acte de foi que d’un défi à relever. Qu’importe, il nécessitait au fond de bien peu. Un peu d’air, un peu d’eau, un peu d’amour et un espace ensoleillé. Ah, et encore fallait-il aussi quelques efforts pour tenter de comprendre les besoins d’exposition. Pour le reste, peu de risques. 

Entretenir le vivant peut devenir une sincère motivation et une activité passablement zen au milieu de la complexité du monde moderne. Selon le Larousse, le mot « moderne » signifie « qui s’adapte pleinement aux innovations de son époque, qui est de son temps ». 

Photographe : Lise Millette

L’époque moderne, quant à elle, aurait commencé à la fin du Moyen-Âge, mais les dates exactes varient selon les historiens. Certains estiment qu’elle s’est terminée avec la Révolution française de 1789, d’autres en 1945, après la Deuxième Guerre mondiale. De manière plus philosophique, on estime que la modernité est liée à une société qui privilégie la raison et la science. On y associe également l’émergence de nouvelles dynamiques géopolitiques et la mise en place d’organisations internationales. 

De manière contemporaine, nous devrions, comme société, avoir fait un pas de plus en avant en présumant que le monde contemporain actuel se définit par une suite évolutive, par un monde meilleur. Or, rarement me suis-je sentie aussi peu moderne et autant dépassée par tout ce qui provoque d’innombrables problématiques de cohésion pour une même humanité. 

Ils nous pèsent, ces tiraillements qui nous dépassent et qui semblent bien loin, mais qui sont pourtant bien près, de nos frontières, dès qu’on s’intéresse à l’actualité. Quand ce n’est pas à l’étranger, ce sont nos propres divisions politiques, nos conflits interpersonnels, ces agacements qui prennent racine dans les justifications à outrance, les malentendus, les difficultés à trouver des terrains qui ne soient pas minés. « Garde ça simple, fille. » 

Le tourbillon nous arrache bien souvent aux meilleures résolutions de simplicité. On s’emballe, puis on s’essouffle d’épuisement. Pas toujours plus heureux. 

TROUVER REFUGE 

Quand le blizzard s’amène, on doit se mettre à l’abri. Il n’y a rien de mal à passer une journée à l’intérieur quand la tempête gronde. Même qu’il m’arrive d’apprécier ces moments-cocons qui nous permettent ensuite de faire un autre petit bout dans le tumulte pour identifier d’autres abris chrysalides où la chaleur n’est pas celle de mon « chez-moi », mais rime avec sororité et fraternité. Trouver refuge auprès de personnes qui, simplement, partagent un coin de table ou un bout de trottoir pour marcher à deux, comme une voix au bout du fil. 

Le froid sévit dehors et je regarde les traces laissées par les voitures ou encore les pas pressés ou lents des personnes qui ont piétiné, parfois bien droits parfois librement, le sol. C’est joli, tout de même, et ça éclaire aussi bien plus que les tons bruns d’un automne fané. Au moins, c’est franc et vif et ça nous fouette quand le frette s’installe. 

Ainsi, au-dehors, la neige sème ses flocons. Le givre s’est aussi invité aux fenêtres. Parfois, le vent se fait sifflant. Sur la nature comme dans les rues, l’hiver répand son tapis blanc et endort la nature. 

Alors que les branches rêvent au retour du printemps et que poussent des bonshommes tout blancs au nez en carotte, sur la petite table du salon, la succulente qui, jadis, dépérissait s’est enjolivée. Un peu d’air, un peu d’eau, un peu de temps : une recette toute simple qui m’amène à la fenêtre, là où siffle l’hiver, un cactus en fleur. 


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.