Un pour tous et tous pour un! Saviez-vous que cette phrase rendue célèbre par Alexandre Dumas dans son roman Les Trois Mousquetaires (1844) est la devise traditionnelle de la Suisse? Tiré du livre, ce slogan, appartenant aux mythes historiques helvétiques, avait été utilisé pour la première fois par les Suisses pour susciter un sentiment de solidarité dans la population, à la suite des graves inondations survenues dans les Alpes en 1868.


L’histoire est truffée de grands mouvements mobilisateurs de ce genre. On pourrait citer les manifestations de Place Tian’anmen à Pékin en 1989 ou la création de Solidarnosc (solidarité en polonais) en 1980. Ou encore, plus près de nous, la grève étudiante québécoise, événement que certains ont surnommé le Printemps érable 2012.


Pour ma part, c’est un tout autre événement qui m’a particulièrement marqué. Ça se passait en 1974, à Mont-Brun, mon village natal. J’avais douze ans. La Commission scolaire, en période de coupures, avait décidé de fermer plusieurs écoles dont la nôtre. Craignant pour la survie du village, la communauté entreprend de faire front : les parents gardent leurs enfants à la maison et refusent de payer les taxes scolaires. L’école est occupée nuit et jour et le transport scolaire complètement bloqué. On va même jusqu’à occuper un édifice gouvernemental. L’opinion publique est mobilisée et l’affaire prend une tournure nationale, se propageant jusque dans l’Ouest canadien. Un slogan est repris de toutes parts : «Mont-Brun gagne, toutes les paroisses gagnent. Mont-Brun perd, toutes les paroisses perdent!» La municipalité voit défiler des reporters du Jour, du Soleil, de La Presse. René Lévesque, qui n’est pas encore élu, vient faire son tour afin de supporter les manifestants. Finalement, le 16 juin, après 27 jours de lutte, le sous-ministre de l’Éducation sursoit à la fermeture et impose un statu quo à la réorganisation scolaire dans les zones marginales. Je ne comprenais pas bien à l’époque toute la portée de l’action entreprise par les gens de mon village. Et pourtant, c’est grâce à cette mobilisation citoyenne d’une petite communauté si, non seulement Mont-Brun a pu conserver son école (toujours ouverte aujourd’hui), mais également d’autres municipalités rurales de la région.


En fait, les montbrunois avaient suivi, sans le savoir, les principes permettant à une mobilisation d’être efficace, tout comme le président Barrak Obama, lors de son élection à la présidence des États-Unis en 2008.

 

Obama a en effet saisi rapidement l’importance de mobiliser d’abord la base pour amener des changements dans la société. Dans son autobiographie Les rêves de mon père, publiée en 1995, il écrit : «Le changement ne viendra pas d’en haut, disais-je. Le changement ne viendra que de la base, c’est pourquoi il faut la mobiliser.» Décrivant les conseils de son premier mentor, il mentionne : «C’est leur intérêt particulier qui pousse les gens à s’engager dans une organisation, m’expliqua-t-il ; ils s’engagent s’ils pensent en retirer quelque chose. Selon lui, quand j’aurai trouvé un thème intéressant, un nombre suffisant de personnes, je pourrai les entraîner dans une action. Avec un nombre suffisant d’actions, je pourrai constituer une force».

 

Obama a donc orchestré une campagne révolutionnaire de mobilisation visant plus à susciter et à organiser les supporteurs qu’à convaincre les électeurs. Son originalité, c’est d’avoir provoqué la mobilisation d’une «communauté Obama», fondée sur l’émotion et le changement. Ce n’est plus «vote for Obama», c’est «vote for change». On passe du «je» au «nous» : «yes we can», de sorte que chacun devient un héros du changement.


La mobilisation du milieu culturel témiscabitibien

Sur le plan culturel, notre région vit justement beaucoup de changements. En fait, l’effervescence culturelle est telle que nos élus y accordent maintenant plus d’intérêt que jamais. Val-d’Or vient de lancer un prix liant les affaires et les arts, la MRC de l’Abitibi travaille actuellement sur une politique culturelle, Rouyn-Noranda s’est autoproclamée Capitale culturelle et j’en passe. Sans compter la fondation même de ce journal, né de la volonté de fervents amateurs de rendre la culture plus accessible à un plus large public et qui représente le meilleur instrument pour solliciter le milieu culturel. Ainsi, une certaine mobilisation culturelle régionale s’était donc déjà amorcée, bien avant que Tourisme Abitibi-Témiscamingue (TAT) n’en parle. CulturAT semble d’ailleurs plus lié à un «boom culturel» que TAT souhaite susciter pour 2015, qu’à une mobilisation culturelle comme telle. D’ailleurs, ce sont surtout les dirigeants de la région qui sont visés par le mouvement lancé par l’organisme. Le 25 septembre dernier, on comptait sur les doigts de la main les artistes présents au lancement de la mobilisation culturelle à Val-d’Or (voir l’article en page 5). Si l’objectif de TAT est louable, soit de faire en sorte que la culture soit considérée comme un vecteur de développement économique de la région, afin que les élus délient les cordons de leur bourse aux artistes, reste que TAT ne fait pas partie du monde culturel. Son rôle en est un de promoteur extra régional pour divers produits, dont la culture. Il est vrai que la concurrence est forte sur le plan touristique et que la culture représente l’attraction dont Tourisme Abitibi-Témiscamingue a besoin pour conquérir de nouveaux marchés. Mais, une mobilisation a besoin d’un chef, d’une étincelle, d’un objectif qui rejoint la masse. Le mouvement de TAT a été lancé vers (ou pour) le milieu culturel et non avec lui. Peut-être en plus d’utiliser la couleur bleue, (qui fera de notre région la plus schtroumpf de la planète) serait-il plus mobilisateur d’adopter un slogan genre : «La culture gagne, toute la région gagne»?


«Qui m’aime me suive!», comme le disait Philippe VI de Valois en 1328. On verra bien ce que la suite nous réservera.


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