DOMINIC RUEL 

J’ai rencontré le robuste Jules Maigret, commissaire de la Brigade criminelle de Paris, il y a dix ans, probablement dans la fumée bleutée de son bureau du Quai des Orfèvres ou du zinc d’un bistrot de quartier. Il était certainement au milieu d’une enquête pour un meurtre ou un vol important de bijoux, qui l’amenait à croiser la faune parisienne formée de bourgeois, de riches, d’ouvriers et de petites gens, dans leur vie de tous les jours. 

Georges Simenon, un des écrivains francophones les plus lus du vingtième siècle, donne vie à l’inspecteur Maigret et commence à raconter ses histoires en 1929, avec Pietr-le-Letton. Il fait de son grand personnage un homme calme, posé et très méthodique, qui résout ses enquêtes grâce à son intuition, contrairement à Hercule Poirot, le détective d’Agatha Christie, plus rationnel avec sa logique linéaire. Maigret, lui, s’imprègne des décors, des impressions, des paroles, qu’il laisse mijoter. Avec Maigret tend un piège, Maigret et le marchand de vin, Maigret au Picratt’s, Les caves du Majestic ou Signé Picpus (et bien d’autres!), Simenon met en scène un homme qui comprend à fond l’être humain dans ses côtés le plus sombres. 

En marchant dans ses pas à travers Paris et là où le mènent ses enquêtes, on découvre et apprécie son amour des bons repas bien arrosés, le verre rapide au comptoir ou le tabac gris de sa pipe fumé dans les lieux les plus emblématiques de Paris comme Montmartre, Pigalle, les bords de la Seine, la Concorde, les cafés bruyants et les rues plus sombres, des lieux qui deviennent des personnages à part entière. On le retrouvera aussi dans les villes de province et des villages de campagnes, tout aussi pittoresques. 

Simenon était journaliste et il utilise une écriture simple, directe et efficace, qui réussit à créer des images et des atmosphères. Les intrigues sont assez courtes sans être complexes et ne sont pas le fruit de complots sordides, mais elles sont chaque fois captivantes. Les personnages que l’on croise avec Maigret sont souvent difficiles à cerner, remplis de subtilités et de nuances dans leur psychologie. 

Chaque roman donne un aperçu de la vie quotidienne du Paris et de la France des années 1930 à 1960, les habitudes des gens. Il offre la vision d’un temps qui suscite la nostalgie. Au fond, de la plume de Simenon, ce sont 75 romans réconfortants, qu’on aime lire, relire et redécouvrir chaque fois, en compagnie de la présence imposante, mais apaisante de Jules Maigret. 


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.