Quand on pense aux secteurs d’activités responsables des problématiques actuelles liées à la crise climatique, le milieu culturel n’est intuitivement pas celui qui nous vient en tête en premier. Il est plus courant d’aborder ce sujet au travers de secteurs comme l’industrie, les transports ou l’agriculture. Pourtant, la culture, comme toutes nos activités, consomme beaucoup d’énergie. Depuis quelques années, nous sommes entrés dans l’ère de l’événementialisation culturelle1. C’est d’autant plus frappant pour les arts de la scène. Taylor Swift, avec son Eras Tour, bat tous les records, notamment celui du bilan carbone. Elle attire des millions de spectatrices et spectateurs, qui se déplacent sur des distances parfois affolantes. Une compagnie aérienne a même dû ajouter 14 vols de la Nouvelle-Zélande vers l’Australie2. The Sphere, la nouvelle salle immersive de concerts à Las Vegas, comporte un million de DEL et consomme, à elle seule, sur une année, l’équivalent d’une ville de 40 000 personnes3 comme Rouyn-Noranda. Et si l’on pense aux arts visuels, au cinéma ou même à l’univers de la mode, le bilan s’alourdit davantage… 

Le Petit Théâtre du Vieux Noranda est bien loin de ce genre de dépenses énergétiques, mais ce n’est pas pour autant que les responsables ferment les yeux sur l’impact de leurs activités. Leur histoire est marquée par un fort engagement social et écologique. Avec des créations comme Requiem pour le Lac Osisko (1985) ou la Grande Cadence (1984), la troupe des Zybrides, à l’origine du Petit Théâtre, a clamé haut et fort la nécessité d’ouvrir les yeux sur les problèmes de pollution. 

Aujourd’hui labellisé Scène écoresponsable niveau or, le Petit Théâtre et son équipe jeune et engagée ont à cœur de suivre les traces des personnes qui les ont précédés. Cette reconnaissance récompense tous leurs efforts visant à réduire l’usage de plastique, à recycler et réemployer au maximum, à acheter local, à repenser leurs manières de consommer, à optimiser leurs transports, etc. Au-delà de la responsabilité environnementale, cette reconnaissance officielle souligne aussi l’engagement social, une valeur que le Petit Théâtre porte dans son ADN depuis le début. L’équipe travaille avec et pour la communauté, accompagnant les artistes de la relève. Elle a mis en place une billetterie solidaire, programmé des spectacles engagés et travaille à l’inclusion des populations rurales, des minorités, des jeunes, etc. L’équipe est bien fière de ces accomplissements et est toujours stimulée à l’idée d’améliorer ses pratiques. 

Pourtant, le chemin reste encore long et nécessite d’interroger le modèle culturel actuel. Quand on sait que ce sont les déplacements qui pèsent le plus lourd sur la facture, il semble insensé de vouloir accueillir toujours plus de monde, de programmer des artistes internationaux et d’organiser des tournées colossales. Si l’on veut atteindre des objectifs de sobriété et léguer un avenir durable aux générations futures, il va falloir repenser ce modèle qu’il est aujourd’hui difficile de ne pas nommer « industrie », mais qui est aussi la plus belle des vitrines pour entamer une évolution des consciences. 

Et les choses changent petit à petit. Chaque année, le réseau Scènes écoresponsables s’agrandit pour regrouper aujourd’hui 76 salles au Québec. Dans la région, notons la récente accréditation du Théâtre du Rift à Ville-Marie, mais aussi l’engagement de nombreux festivals comme H2O, le FME, etc. Toutes ces initiatives sont à saluer et incitent à se réjouir de la prise de conscience du monde de la culture. 

[1] « Décarbonnons la culture! » : Le rapport du Shift Project

[2] Impact environnemental : La mégatournée de Taylor Swift, symbole du « monde d’avant »

[3] The Sphere : l’incroyable salle de concert de Las Vegas est aussi un énorme gouffre énergétique