Par Olivier Pitre, DIRECTEUR DE LA SOCIÉTÉ DE L’EAU SOUTERRAINE ABITIBI-TÉMISCAMINGUE (SESAT) 

Il y aura bientôt cinquante ans que le Québec a établi le statut de chose commune de l’eau de surface. En 2009, ce statut a été également étendu aux eaux souterraines, jusque-là rattachées au droit foncier. Mais saviez-vous qu’en dépit de son caractère public, le débit des grands prélèvements d’eau constitue encore aujourd’hui une information privée appartenant aux préleveurs? 

Depuis son entrée en vigueur en 2009, le Règlement sur la déclaration des prélèvements d’eau (RDPE), prévoit que toute personne qui prélève plus de 75 000 L/j (soit l’équivalent d’une grosse piscine hors terre) directement dans un lac, une rivière ou dans la nappe phréatique, est tenue de produire une déclaration annuelle de ses prélèvements d’eau et de la transmettre au ministère de l’Environnement.  

Source : SESAT

Au cours de la dernière décennie, l’Abitibi-Témiscamingue a, plus que toute autre région, contribué à l’établissement du caractère public des renseignements compilés en vertu du RDPE. À la suite de deux demandes d’accès aux données de la SESAT, c’est toute la région qui s’est mobilisée et qui a répondu : « présente! » L’Abitibi-Témiscamingue dispose aujourd’hui des éditions 2013 à 2018 du registre régional, libres de tout caviardage, une information qui n’est présentement disponible nulle part ailleurs. Si les demandes de la SESAT ont abouti, c’est tout simplement parce que la quasi-totalité des préleveurs assujettis au RDPE, tant privés que publics, ont autorisé le ministère à divulguer les renseignements préalablement transmis. Dans la région, on ne recense aujourd’hui que deux exceptions : l’entreprise ESKA inc. et la pépinière gouvernementale de Trécesson. 

Savoir qui prélève l’eau, où et en quelles quantités, ici et ailleurs au Québec, et la façon dont ce bilan évolue d’année en année, n’est pas une information accessoire. Il s’agit plutôt d’une base incontournable de la gestion intégrée de l’eau par bassin versant que le Québec désire mettre en place.  

Ce printemps, le gouvernement du Québec a entrepris une réforme du RDPE. Grâce à la proactivité des grands préleveurs d’eau de la région, celle-ci peut s’appuyer sur un grand nombre de précédents de prélèvements autodéclarés, dans une grande variété de secteurs industriels. La Conférence des préfets de l’Abitibi-Témiscamingue (CPAT) et la SESAT ont documenté ces importants précédents régionaux dans un mémoire conjoint. Bien que la version à jour du règlement n’ait pas encore été publiée, il est déjà établi que la Loi sur la qualité de l’environnement elle-même sera modifiée avec l’ajout du nouvel article 118.4.1 qui établira enfin le caractère public des volumes de prélèvements d’eau compilés en vertu du RDPE, et ce, à compter du 1er janvier prochain.  

Après plusieurs années de dissonance dans le cadre légal, le fruit a finalement mûri en 2022-2023 et les entreprises, les municipalités et les MRC de l’Abitibi-Témiscamingue y sont pour beaucoup. 


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