Quelque part en 2019, le projet musical Et on déjeune voit le jour. Constitué de Julie Mercier, Véronique Aubin, Mélissa Delage, Lou-Raphaëlle Paul-Allaire et Alix Harrison-Côté, le groupe conjugue les talents de cinq Rouynorandiennes multi-instrumentistes désireuses de faire de la musique de manière intuitive et sans trop de cadres. Elles se sont produites en spectacle et ont charmé le public plus d’une fois, notamment en participant au FRIMAT à Val-d’Or (2021), puis au festival montréalais Coup de cœur francophone (2022). Après deux ans d’attente, le mini-album Dans l’eau est paru le 7 avril dernier. Le groupe a souligné le lancement via deux soirées électrisantes : le 6 avril, au Cabaret de la Dernière Chance, à Rouyn-Noranda et le 8 avril au Quai des brumes, à Montréal, où j’étais présent.
Dans l’eau est une sorte de comédie absurde où la mélancolie et l’humour s’entremêlent. Les textes de Julie Mercier, empreints de poésie et d’écriture automatique, sont truffés d’une mémoire collective enfouie et de jeux langagiers. J’y vois même quelque chose d’onirique et de théâtral, s’approchant par moments de la prose de Laurie Anderson. Les textes, oscillant entre le français et l’anglais, nous ramènent aisément aux années 1990, de Jean Leloup à The Cranberries. La musique, quant à elle, jouit d’un alliage tout à fait original : violon, accordéon, piano, mélodica, carillon et segments électroniques, le tout au sein d’une formation rock traditionnelle. Enregistré à La Shed à Rapide-Danseur et produit par Sébastien Greffard, Dans l’eau vient d’entrer dans le paysage musical québécois.
L’album débute avec la courte chanson « Polo », suivie par le succès instantané d’indie folk « Marco ». En troisième et quatrième position viennent mes deux chansons préférées et, selon moi, l’apogée de l’album. Le groove sensuel d’« Étouffée » est relevé par une cassure de tempo inattendue, culminant en une magnifique envolée dream pop. Cette pièce est contrastée par la bienveillante « Courant de rivière », qui mise sur la légèreté afin de nous laisser aborder son texte touchant. « The Spill » marque l’entrée du piano et suggère une balade rock similaire au groupe Fun avec l’album Some Nights. La fragilité du propos se ressent tout au long de la pièce qui se termine sur une note ambiguë, ne sachant pas le sort de la tasse ou de son contenu. J’ai adoré « Matapédia », où un Paul Piché en peine d’amour prendrait des accents de pop latine. Puis, « L’échec de voyage » clôture l’album tout en évasion avec des tensions dans la musique et les paroles. Le tout est soutenu par l’ajout subtil de couches de percussions électroniques, alternant avec la batterie d’Alix.
Quoique courtes, les 24 minutes de ce premier opus sont directes, sincères et efficaces. La musique de Et on déjeune saura rassembler et convaincre un large public impatient d’entendre la suite. Il est fort probable que Dans l’eau ne soit que l’amorce d’une longue aventure.