Même s’il s’agit de son premier roman, le nom de Catherine Perreault n’est pas nouveau sur la scène littéraire de l’Abitibi-Témiscamingue. En plus d’avoir été finaliste à deux reprises pour le Prix du récit Radio-Canada (2018 et 2020), elle a participé aux recueils Abitibi-Montréal, Prendre pays et Distance parus aux Éditions du Quartz. Les échos de ses publications lui ont fait comprendre que son écriture pouvait émouvoir, toucher, interpeller, captiver. Et c’est exactement ce qu’elle produit comme réaction chez le lecteur avec L’élu.
Quand Isabelle est devenue mère, elle ignorait le « projet colossal » qui l’attendait. « J’ai déjà lu dans une étude américaine que le niveau de stress des mères vivant avec des enfants comme toi s’apparente à celui d’un soldat au combat. La différence, c’est que pour nous, la guerre ne se termine jamais. » Son fils Éli est autiste. L’histoire raconte donc les innombrables deuils vécus par une mère, notamment au moment où le centre d’hébergement devient la résidence principale du jeune garçon de 13 ans. Isabelle doit réapprendre à vivre, et elle ne sait plus comment s’y prendre. « Je suis une loque humaine qui a perdu toute efficacité. » Les kilomètres qui la séparent de son fils lui sont insupportables. Éli devient son « membre fantôme après l’amputation ».
Dans cette autofiction sur l’amour maternel et cette relation fusionnelle, on lit la douleur, la détresse, l’impuissance et la culpabilité, mais aussi la résilience, l’espoir et la lueur au bout du tunnel, car la reconstruction est difficile, mais possible. Pour cette histoire, l’auteure s’est inspirée de son vécu avec son garçon. « Toute la partie de la relation mère-fils, ça découle de ce que je vis avec mon fils, encore actuellement. Après ça, tout ce qui est autour, la manière dont elle réagit aux événements, j’ai voulu romancer », explique-t-elle. Dans le roman, les relations sociales ne sont pas au beau fixe pour Isabelle et elle tombe dans la dépendance. « Moi, j’ai plutôt été le genre de personne à prendre le chemin contraire. J’ai changé d’emploi. Je me suis étourdie beaucoup dans le travail quand tout ça est arrivé. » Son défi a d’ailleurs été de s’éloigner de la plume du journal intime pour éviter de copier-coller son quotidien.
Ce type de récit ne s’écrit pas à la maison entre deux brassées de lavage. Comme il est lourd en émotions, il lui fallait trouver des moments appropriés. Le processus s’est donc échelonné sur une période de trois ans, parsemée de retraites fermées ici et là. Ce laps de temps lui a permis de faire des choix d’écriture judicieux, notamment la brillante analogie entre les étapes de la naissance d’un enfant et celles du deuil, ainsi que les deux types de narration qui s’entrecroisent. « Quand elle parle au je, c’est plus chargé, plus émotif et plus brut. Quand c’est à la troisième personne, c’est un souvenir, elle [Isabelle] est plus détachée. » Bref, le roman touche droit au cœur; personne ne peut y rester indifférent.