SOPHIE RICHARD-FERDERBER

Alors qu’elle dirige le Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or (CAAVD) depuis près de 35 ans, Édith Cloutier est indissociable de ce lieu hautement significatif pour les communautés autochtones en milieu urbain. Ayant grandi au sein de l’une des premières familles anicinabek à s’être installées dans un quartier urbain de la ville de Val-d’Or, elle fréquentait déjà le Centre alors qu’il s’agissait d’un petit immeuble communautaire. Aujourd’hui, le CAAVD s’illustre mondialement comme référence en innovation sociale.

Dans le cadre de ses fonctions, Mme Cloutier est d’ailleurs fréquemment invitée à représenter le CAAVD ou l’Association nationale des centres d’amitié (ANCA) à l’étranger. En décembre dernier, elle se rendait à Taïwan afin de participer à un séminaire portant sur les réalités urbaines des Autochtones. « Ce fut un premier voyage en Asie pour moi. Après avoir mis les pieds en Europe, en Océanie, en Afrique et en Amérique du Sud, je peux maintenant dire que j’ai visité l’ensemble des continents habités au cours de ma carrière! Malgré la distance, les réalités vécues par tous les Premiers Peuples dans le monde se ressemblent. Je suis honorée d’être amenée à partager notre expérience à plus grande échelle, au bénéfice du mieux-être des communautés autochtones de partout », confie Mme Cloutier.

La mission du CAAVD s’énonce comme suit : « Un carrefour de services urbain, un milieu de vie et un ancrage culturel pour les Premiers Peuples, voué au mieux-être, à la justice et à l’inclusion sociale, favorisant la cohabitation harmonieuse dans son milieu. » Au quotidien, cela se traduit par des espaces de rassemblement, des ateliers culturels ou de promotion des saines habitudes de vie, des services alimentaires et d’hébergement, principalement utilisés par des membres de l’extérieur de la ville venus recevoir des soins de santé, un centre de la petite enfance (CPE), un camp de jour estival, un programme d’enrichissement des compétences favorisant l’accès au marché du travail et plusieurs services d’intervention sociale.

Le CAAVD gère également le projet Kijaté, un immeuble de 24 unités de logements sociaux, le centre de répit Chez Willie/Nigan, qui accueille les hommes et les femmes en situation d’itinérance, ainsi que le centre culturel et touristique Kinawit. 

Ces dernières années, un projet phare s’est ajouté : la clinique en santé autochtone du Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or. S’inspirer de cette initiative d’ici et la déployer ailleurs en province fait partie des recommandations de la Commission Viens, ce qui a incité le gouvernement du Québec à lui octroyer un financement historique de 12 M$ sur 4 ans. « Après plus de 15 ans à développer ce projet, l’on reconnaît pleinement sa valeur et son potentiel. L’an dernier, le CAAVD et le Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Abitibi-Témiscamingue (CISSSAT) ont ainsi signé une entente qui nous engage à la co-construction d’un modèle qui offre d’accroître l’accès à des services de première ligne de soins, de santé et de services sociaux culturellement sécurisants pour les Autochtones en milieu urbain », explique Mme Cloutier. 

Installée à même l’édifice principal du Centre, la clinique facilite l’accès à des médecins, des infirmiers et infirmières ainsi que des spécialistes en travail social prêts à soigner dans une approche holistique. Le fonctionnement incorpore le savoir et les traditions autochtones, en impliquant des personnes aînées, par exemple.

Investie dans l’ensemble de ces projets novateurs, Édith Cloutier veille tant au développement du CAAVD qu’à la défense des droits des Premiers Peuples, en général. Depuis janvier 2022, elle est notamment membre du comité de transition mis sur pied par le gouvernement du Canada pour assurer la création du Conseil national de la réconciliation en réponse aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. L’été dernier, elle recevait un troisième doctorat honorifique, cette fois de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, pour sa contribution exceptionnelle à l’avancement social.

À l’aube du 50e anniversaire du CAAVD, Mme Cloutier se réjouit du chemin parcouru et des projets à venir : « Grâce à une confirmation de financement de 25 M$ du programme Bâtiments communautaires verts et inclusifs d’Infrastructure Canada, nous entamons une nouvelle phase d’expansion du CAAVD, avec la concrétisation de notre projet de rénovation et d’agrandissement. Ce dernier implique un meilleur accès aux espaces communautaires et aux milieux de vie, l’aménagement de la clinique en santé autochtone, la rénovation du CPE, ainsi que la construction d’unités d’hébergement supplémentaires. » Ces travaux débuteront en 2023 et devraient se terminer en 2026.