« Mon cœur usé, par la distance

Battra plus fort

Près du point d’origine

Mes joues se mouilleront

Dans le silence

Du territoire immense qui se dessine » 

Se produisant dorénavant à Montréal, Jean-Christophe Lessard est un artiste émergent originaire de Rouyn-Noranda. En plein cœur de la pandémie (2020), il lance Les Voix levées, un premier court album lui valant alors une certaine attention. Le filon créatif ne fait que s’amorcer. Les deux années suivantes permettent à Jean-Christophe de structurer sa démarche artistique, de s’entourer d’une équipe de musiciens et musiciennes de choix, ainsi que d’enjoliver ses textes et compositions pour ultimement nous présenter, en avril dernier, un album complet intitulé Nous resterons vivants.

En comparaison avec Les Voix levées, dans ce nouvel album, un détachement se crée par rapport aux éléments rock, mélancoliques ou tendus et un ralentissement se ressent dans le tempo en général. Pas de basse intense, pas de distorsion et moins d’attaque dans le jeu de guitare et le mix. Nous resterons vivants joue beaucoup plus en douceur, dans la subtilité des dynamiques et dans l’homogénéité des voix, ainsi que des instruments. Côté thématique, l’album se veut le prolongement logique de son prédécesseur. Jean-Christophe parle de la suite du monde, d’inquiétudes climatiques, d’injustices et d’amour, le tout dans une prose qui lui est propre; l’enivrement pour la nature, entre la douceur et le tragique.

Nous resterons vivants ouvre en force avec « Confettis », qui marque ce léger changement de ton en incluant, dès les premières secondes de la piste, une section de cordes favorisant le versant introspectif plutôt que rock de l’album. La deuxième piste, « Les cigales », magnifique pièce en collaboration avec Louis-Jean Cormier, rappelle à la fois le son de celui-ci et fait écho au dernier opus de Jean-Christophe. Surprise au sein de l’album, on y retrouve sur trois pistes la voix de l’artiste innue multidisciplinaire Soleil Launière, en plus de celle de Roger Wylde, artiste anicinabe, qui prête sa voix à la chanson « Deux branches ». Les deux artistes ont également participé à la co-écriture des chansons en question.

On ne peut s’empêcher de noter un fort attrait pour l’acoustique et l’organique. Le piano feutré et intimiste de « Colline (côte Joanne) », l’ajout de la contrebasse de Karl Surprenant, l’arrangement de cordes supervisé par Amélie Mandeville, ainsi que la guitare entièrement acoustique offrent un sentiment de proximité avec la musique, comme si elle adressait directement à nous. Les cordes grésillantes durant « Les cigales (mettant en vedette Louis-Jean Cormier) » ajoutent à cet aspect vivant en proposant des mélodies incarnées, imparfaites et vibrantes.

La pochette de l’album, réalisée par Mathilde Corbeil, exprime avec délicatesse les propos et la musique de Jean-Christophe Lessard : la complexité et les couleurs de notre environnement, la bienveillance et l’empathie; une fresque abstraite des relations et des émotions humaines.

Une écriture et une composition matures; une vision affirmée et claire. Courte et efficace, chaque nouvelle écoute de Nous resterons vivants révèle un détail attrayant dans la musique ou dans les textes. Un album accrocheur dont on se souviendra comme d’une apaisante balade en nature.