Les corridors de l’école secondaire où j’enseigne depuis peu grouillent de vie entre les périodes de cours. La constante présence du cellulaire dans les mains des élèves est le détail qui m’a le plus frappé à mon arrivée dans leur univers. Leur utilisation est interdite en classe et j’ai dû en confisquer une vingtaine depuis le début février.

La direction ayant senti un relâchement dans la mise en application de cette interdiction, une communication a été envoyée il y a peu. Le message était fort simple : « Je laisse mon cellulaire dans mon casier. » Une des statistiques qui accompagnaient le mot de la direction avançait qu’une étudiante ou un étudiant passe plus de huit heures par jour à utiliser son téléphone cellulaire. Bien entendu, il leur est possible de prendre des notes, de lire des documents ou d’envoyer des travaux avec ces appareils, mais huit heures par jour, ça fait beaucoup!

Ce fameux téléphone portable, le moyen par excellence « d’avoir accès à tout », a à peine trente ans. Son apparition récente ne représente pas plus qu’un battement de cœur dans l’histoire de l’humanité. Pourtant, son emprise sur nous est indéniable. Elle est si grande qu’on n’hésite pas à interrompre une conversation lorsque le son annonçant une notification se fait entendre, abandonnant du même coup notre interlocutrice ou notre interlocuteur.

Évidemment, je ne suis pas né avec cet outil et je ne peux que témoigner de son arrivée ainsi que des effets qu’il me semble provoquer : l’épidémie d’anxiété, la difficulté de communiquer en face à face de même que les troubles de sommeil sont du nombre. Les avantages doivent être tout aussi nombreux, mais je ne suis pas l’adolescent qui pourra vous en faire la démonstration sur les réseaux sociaux.

Ces réseaux, pour leur part, n’ont pas vingt ans que, déjà, ils modifient nos façons de penser et de vivre les relations aux autres. Il n’y a pas de temps d’arrêt dans ces univers, tout comme sur les chaînes de télévision ou de radio. Pas de silence, pas de calme; l’information, sous toutes ses formes, y tourmente les esprits qui y naviguent.

Personnellement, depuis quelques mois, j’ai cessé de nourrir ma page de publications. Cette pause m’est salutaire. J’ignore si elle se prolongera, mais je me sens un peu moins stressé. Alors, quand ma conjointe m’a proposé de faire une pause de téléviseur et de radio, j’ai accepté sans y réfléchir davantage.

Il ne s’agit pas de se détourner de la guerre, de la crise climatique, de la hausse folle du coût de la vie ou de la terrible pénurie de logements. Non! Nous prenons un congé de ce qui nous semble moins utile. Nous nous offrons ainsi, pour un moment, plus d’espace pour agir, réfléchir, cuisiner, jardiner, dessiner et écrire. Je ne sais pas si cela durera longtemps, mais il s’agit de changer notre rapport au temps dans ce monde sans repos.


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