Je suis père, d’abord, et je suis prof, ensuite.

Je vous vois aller depuis plus d’un an, de près quand même, dans ce chapitre de vos vies qui passera à l’histoire et que vous raconterez à vos propres enfants quand ils voudront entendre parler du temps de votre jeunesse, comme on le faisait, nous, avec nos parents. Et quand votre ado, un jour, vous en voudra de ne pas le laisser sortir trop tard un vendredi, vous pourrez lui dire qu’en 2020 et 2021, vous avez été enfermé à la maison deux mois de temps avec père et mère, frère et sœur, 24 heures sur 24 et que vous aviez des couvre-feux, qui n’étaient pas très, très tard! Il ne saura quoi répondre à ça!

Je vous vois aller depuis plus d’un an. On vous en a demandé beaucoup, vous avez peut-être eu l’impression d’avoir été oublié ou laissé de côté. Comme sis sur le Titanic, on avait crié, « Les plus vieux d’abord! », et qu’on vous avait demandé de rejoindre l’orchestre sur le pont.

Je vous vois aller depuis plus d’un an. Vous terminez une deuxième drôle d’année scolaire, avec les masques, des cours en ligne et ces allers-retours de la maison à l’école. Vous avez tant bien que mal avancé et appris (surtout!). Profitez-en pour remercier chaleureusement vos profs qui ont su, avec patience, s’adapter au gré des consignes. Eux aussi ont dû sortir de leur zone de confort. Parce qu’ils avaient votre réussite à cœur! Beaucoup de gens, vous en avez entendu le dire, ont pu critiquer le premier ministre pour ses décisions et ses hésitations, mais je crois qu’il faut reconnaître qu’il a certainement tout fait pour vous garder à l’école le plus souvent et le plus longtemps possible.

Je vous vois aller depuis plus d’un an, privés de vos activités, de vos sports et de vos amis. On vous entend, vous le dites, pour plusieurs, que ça ne tourne pas toujours rond entre les deux oreilles. Vous avez peut-être décroché, angoissé, pleuré sans trop savoir pourquoi, regardé devant et vu tout en noir. On vous avait promis des arcs-en-ciel et un mois ou deux d’efforts. Ça a duré plus longtemps. Gardez espoir! Faites-les mentir, tous ceux et celles qui vous appelleront « Génération COVID », pour expliquer des lacunes et des retards. Allez chercher vos diplômes et vos formations, lancez mille et un projets et reprenez le temps perdu en tissant de vrais réseaux sociaux (en présentiel!) solides et enrichissants.

Je vous vois aller depuis plus d’un an et je veux que vous redressiez les épaules. Soyez fiers! Bien sûr, ce n’est pas la guerre. Il s’agit quand même de la plus grave crise depuis 75 ans. À ces plus vieux, et à ces autres cons aussi, qui ont pu vous traiter de petites natures et d’enfants gâtés, dites-leur qu’ils ne l’ont pas connue, non plus, la guerre. Ils n’ont pas été confinés à 15 ans, ils n’ont pas fait l’école à distance pendant des semaines. Depuis 1945, leurs pires crises ont été des récessions cycliques et des taux d’intérêt de 20 % en 1981!

Chapeau, les jeunes, je suis fier de vous!


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.