J’ai communiqué avec Robin L’Houmeau par visioconférence entre Noël et le jour de l’an, un beau moment de fin d’année. Pour lui, se voir en vrai aurait été l’idéal. Se voir à travers l’écran était un compromis acceptable vu la distance qui nous séparait. En lui parlant, j’ai compris pourquoi et je l’en remercie.

LA GENÈSE

J’ai commencé par lui demander d’où vient cette envie d’être comédien. Il m’a dit : « Depuis, toujours, un peu inconsciemment, mais dès l’enfance j’éprouvais un plaisir particulier à faire semblant d’être quelqu’un d’autre. » À 10 ans, avec le caméscope de son père, il met en scène et filme des sketches, qu’il monte et diffuse sur Internet. Il y voit rapidement une belle occasion de partager directement ses créations.

Vers l’âge de 13 ans, il se rend à Montréal pour une audition pour une agence à la recherche de « nouveaux jeunes talents ». C’est à ce moment qu’il comprend l’importance d’avoir un agent. Rapidement, l’idée de déménager à Montréal s’impose, car faire l’aller-retour entre Val-d’Or et la métropole pour faire quelques auditions… c’est lourd et cher. Il faut être disponible, rencontrer des gens et le mode de vie qui accompagne ce travail est différent. Le parcours pour devenir comédien vient avec certaines embûches…

En 2015, Robin L’Houmeau quitte Val-d’Or pour Montréal afin d’entreprendre des études collégiales en cinéma, mais troque cette trajectoire scolaire pour un sentier plus instinctif lui permettant plus de disponibilité pour bien se préparer aux diverses auditions. Et la vie lui a donné raison.

UN PREMIER RÔLE IMPORTANT

 

Happy Face (2018 – réalisé par Alexandre Franchi) le révèle au grand public. Pour ce film, que l’on a pu apprécier au Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue (FCIAT), il remporte le prix du meilleur acteur au Sunscreen Film Festival de St-Petersburg, en Floride.

 

Il raconte : « Sur le plateau, c’était vraiment agréable, car les gens étaient très présents et envoûtés par le projet qui a une essence et un message particuliers. C’est très intéressant de travailler dans un film d’auteur. Nous avions de longues, de très longues, journées de tournage, ce n’était pas toujours facile pour les techniciens. On avait beaucoup de contenu à faire, mais la fatigue fait aussi partie du lot de ce type de travail. Pour moi cette première expérience fut comme être sur un nuage. Ça peut être dangereux d’être sur ce nuage, donc c’est aussi un grand apprentissage sur le plan humain et sur le respect des autres artistes et la gestion des attentes de tous sur le plateau. » Il ajoute : « J’ai tout de suite su qu’il y avait quelque chose de spécial avec Happy Face et Alexandre avait fait venir des comédiens d’un peu partout en Amérique du Nord… Pour moi, être avec ces gens aux visages hors normes et leur parler, les regarder, les écouter et être donc forcé à avoir un contact physique avec eux… cela a changé mon rapport aux autres de façon fulgurante! On finit par voir vraiment la personne, ce qu’elle est à l’intérieur. » Le film a eu une excellente réception et, en 2019, il a reçu le Prix collégial du cinéma québécois.

DANS FUGUEUSE 2

 

Robin L’Houmeau y joue le rôle d’un jeune d’Amqui en fugue après une tentative de suicide. Il décide de relancer sa vie en faisant des choix qui ne sont pas nécessairement les bons. À travers ce projet, l’acteur tente de comprendre les raisons qui poussent les jeunes à ce genre de fuite, de comprendre l’humain sur des sujets qui, au départ, ne l’interpellent pas nécessairement. La série Fugueuse 2 est diffusée sur les ondes de TVA cet hiver.

LA DÉESSE DES MOUCHES À FEU

 

Robin L’Houmeau est aussi de la distribution du prochain film (actuellement en postproduction) d’Anaïs Barbeau-Lavalette, La déesse des mouches à feu, un film punk granolle, comme elle le décrit, adapté du roman de Geneviève Pettersen. Pour L’Houmeau, c’est vraiment un projet hyper excitant.

Tourné cet été en 15 ou 16 jours pour son rôle, le récit est campé en 1995, au Saguenay, au moment des inondations, sur fond de drame humain. Il raconte : « Le PCP et la mescaline circulaient beaucoup. C’est un coming of age [passage à l’âge adulte] où la protagoniste passe de fille à jeune femme à femme très rapidement. » Une belle histoire qui lui a permis de travailler avec cette réalisatrice aux multiples talents. Il ajoute : « Les jeunes du film sont vraiment très bons et j’ai très hâte de voir le film, car (comme nous) je n’ai rien vu encore! »

 

Il caresse maintenant le projet de diffuser de longues entrevues entre des réalisateurs, réalisatrices et des acteurs, actrices d’ici. Il souhaite aller en profondeur à travers des conversations nécessaires et vraies. On sent en Robin L’Houmeau une volonté de décloisonner l’art, tout comme le besoin d’avoir des contacts qui sont avant tout humains. Pour lui, il faut briser cette image de la fatalité d’être comédien comme un rêve inaccessible. « C’est un travail difficile, mais c’est vraiment atteignable. Il faut faire des projets qui sortent des sentiers battus et ces projets nous reflètent. On ne doit pas nécessairement cacher nos doutes, notre fragilité et notre vulnérabilité. On peut exister avec notre part de sombre et de lumière. Avant tout, il faut demeurer honnête. »

Je crois que pour lui, fondamentalement, toute manifestation artistique démarre dans l’authenticité et du dialogue.


Auteur/trice

Artiste multidisciplinaire et cinéaste indépendante, Béatriz Mediavilla est née en 1972 à Rouyn-Noranda, où elle demeure toujours. Détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études cinématographiques, elle enseigne le cinéma au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue. Parallèlement, elle a notamment réalisé l’ouvrage collectif multidisciplinaire Ce qu’il en reste : dialogue artistique sur la mort (2009), et a publié Des Espagnols à Palmarolle dans Nouvelles Explorations (2010) et dans Contes, légendes et récits de l’Abitibi-Témiscamingue (2011). Elle a également publié Entre les heures dans Rouyn-Noranda Littéraire (2013). Danse avec elles, son premier long métrage documentaire a connu une belle réception et a été présenté dans différents festivals, entre autres, à Montréal, Québec, Toronto et Vancouver, mais aussi La Havane et New York. Son deuxième long métrage, Habiter le mouvement, un récit en dix chapitres, a aussi été présenté dans plusieurs festivals dans le monde. Il a remporté entre autres, le prix du meilleur documentaire de danse au Fine Art Film Festival en Californie, meilleur long métrage documentaire au Utah dance film festival et le prix de la meilleure oeuvre canadienne au festival International du Film sur l’Art de Montréal. Son plus récent court métrage Axiomata, a aussi été sélectionné dans différents festivals à travers le monde.