Du 13 janvier au 5 mars 2017, le Centre d’exposition d’Amos présente l’exposition Franchir la ligne rouge, une série d’œuvres inédites explorant les pouvoirs évocateurs de la couleur. Si le titre semble annoncer un risque, c’est celui que Renée Carrier a bien voulu prendre en repoussant les limites de ses recherches picturales. Car cette ligne, elle la franchit de plein gré, sautant à pieds joints dans le plaisir que lui procure cette rencontre intense avec la couleur, laissant derrière elle le monde connu de la figuration.

Avant d’être aquarelliste, vitrailliste ou peintre, Renée Carrier a passé douze ans de sa vie comme enseignante au primaire à Cloutier, près de Rouyn-Noranda. Aujourd’hui installée à Amos, elle consacre sa vie à ce qu’elle a toujours voulu faire : la création. C’est la visite d’une exposition de Norbert Lemire qui est à l’origine de la révélation. « Un gros coup de cœur », confie Renée. Une série d’aquarelles flamboyantes comme seul sait le faire ce maître de la lumière. À partir de ce jour, elle suit des cours et travaille fort afin de se tailler une place auprès de la Société canadienne d’aquarelle, ce qu’elle parvient à faire. Une fois installée à Amos, c’est donc comme aquarelliste qu’elle se fait connaître.

Mais Renée n’aime pas les choses faciles. Son envie d’apprendre et de pousser sa réflexion plus loin la ramène sur les bancs d’école. Elle entame un certificat en arts plastiques à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, où elle commence à travailler à l’acrylique. « C’est un autre médium, ça m’a ouvert d’autres horizons. » Elle réalise ensuite en 2001 sa première exposition solo sur le thème des femmes autochtones. Pour ce faire, elle passe du temps avec des femmes de Pikogan, avec qui elle échange. Ces rencontres vont résulter dans un corpus qui a pour titre Au cœur des racines et qui sera présenté dans plusieurs centres d’exposition de la région.

En 2010, elle réalise une autre exposition solo qui a pour titre Battements d’ailes et qui a pour thème les oiseaux migrateurs. Avec sa série sur les outardes (que vous avez pu admirer dans le calendrier 2015 de l’Indice bohémien !), ses gestes se font plus audacieux, elle se détache progressivement du réalisme pour se concentrer sur les effets de la couleur combinés au mouvement. Toutefois, l’artiste a encore le désir qu’on la reconnaisse dans son travail.

Malgré ces réussites et ces accomplissements, la soif d’avancer la stimule. Renée poursuit actuellement ses études dans le cadre d’un certificat en peinture en plus d’être dans l’atelier à temps plein. Maturité artistique ou personnelle, besoin de s’affranchir des attentes de son milieu ? Ce qu’elle présente actuellement au Centre d’exposition d’Amos est nouveau pour son public. Elle se dit « pourquoi je n’irais pas à fond dans ce que j’aime le plus? La couleur, ça me donne de l’énergie ». Elle parle de la couleur comme d’autres parlent de leurs convictions profondes. « Le monochrome me fascine. Le monochrome, c’est le vide et en même temps, ça déborde, ça irradie. Je me plonge là-dedans, je vis ça intensément », confie-t-elle avec passion.

Pour venir à bout de terminer cette exposition, elle a passé des mois « accotée dans la couleur, la flaque de peinture de 8 pieds de diamètre qui sèche par terre », en production intensive. « J’ai été en création jusqu’à la dernière minute, j’avais peur de manquer de temps parce que j’avais besoin de faire des expériences. Jamais je n’ai eu autant de travail et de difficulté à faire mes œuvres », raconte Renée Carrier, pour qui l’aspect de la recherche est très important. « Chaque œuvre a été un défi, aucune n’a été facile. Je n’ai pas vu mes fleurs de l’été ! »

Il faut dire que le défi est de taille : transposer picturalement des expressions reliées à la couleur : aller au diable vert, voir rouge, rire jaune, en faire voir de toutes les couleurs. Son but est de faire ressentir au visiteur la force d’une expression par le contact avec une couleur saturée dans une mise en scène qui relève plus de l’installation que de la peinture à proprement parler. Si l’ensemble est totalement abstrait, le rapport à la couleur devient très physique. Pour reprendre la citation de Malevitch qu’on peut lire sur la programmation, « la couleur est l’essence de la peinture, ce que le sujet ne manque jamais d’anéantir ». Pour Renée Carrier, une nouvelle ère s’annonce, contemporaine. Définitivement, la ligne est franchie !

 


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