Comme il est dans l’ordre des choses que ces magnifiques soleils jaunes envahissent bientôt tout notre environnement, il serait peut-être intéressant de les considérer sous un autre angle désormais.

Avez-vous déjà songé à tout ce que cette petite mais ô combien prolifique fleur peut vous apporter de bien-être et de bonheur? Pour ma part, je clame tout haut qu’elle inaugure la belle saison. À n’en point douter, par sa nature éphémère, elle a vite fait de tourner du jaune au gris, comme l’été lui-même…

Ce qu’on appelle la miellée de pissenlit n’est autre chose que ce qu’attendaient impatiemment les nouvelles abeilles nées suite à la découverte de pollen par les anciennes qui ont pu faire le pont de l’automne au printemps, pour passer leur expertise aux nouvelles avant de mourir. Le pissenlit abonde à tel point que les jeunes abeilles ne cherchent plus. Elles trouvent et  butinent tant et tant les pissenlits ouverts comme des yeux d’or sur le ciel qu’elles rapportent des trésors de nectar à la ruche. L’apiculteur qui souhaite récolter essentiellement le miel de pissenlit devra intervenir avant que le trèfle n’abonde à son tour dans les champs. Ce miel, une fois mature, sera operculé et à ce moment-là, l’apiculteur interviendra pour soustraire de la ruche les cadres pleins de miel. En y goûtant, vous aurez dans le nez et sur la langue l’essence du printemps. Du bonheur…

Il serait tout aussi intéressant de considérer cette merveilleuse fleur avant qu’elle n’éclose. Plusieurs petits boutons se serrent les uns contre les autres au cœur de la fleur bien avant l’éclosion. Ils ne font pas encore de photosynthèse. Ils sont tout jaunes et endormis. C’est le bon moment pour cueillir les feuilles qui sont vertes, car elles sont alors sucrées et tendres au point de les manger en salade avec le reste, une fois lavées. Sitôt la fleur éclose, la feuille développe son amertume. C’est une feuille diurétique qui augmente la sécrétion urinaire, donc qui nettoie le métabolisme. Un nettoyage de printemps, gracieuseté de mère nature!

Les petits boutons ainsi débarrassés des feuilles qui leur cachaient le soleil vont se colorer et se développer. C’est à ce moment qu’on cueillera ceux qui sont assez développés, mais néanmoins encore fermés bien dur. On reviendra chercher les autres dans deux jours… si le soleil ne les a pas déjà ouverts! Le plus vous en cueillerez, le moins votre parterre fleurira et vous renoncerez à utiliser ce produit toxique contraire à nos principes pour les éliminer. Ces boutons seront vos câpres cet automne et cet hiver!

Comment les transformer? Rien de plus simple. Pour deux tasses de boutons fermes, verts, bien lavés à l’eau froide, une cuillère à table de gros sel, une demi-tasse de vinaigre et de l’eau bouillante. Toute la nuit, vous aurez laissé les boutons couverts de gros sel dans un bol lui-même couvert d’une assiette, à la température de la pièce. Le sel les aura « cuits », en quelque sorte, pendant la nuit. Au matin, vous égoutterez les câpres avant de les mettre dans des pots stérilisés à l’eau bouillante avec le vinaigre bouillant et l’eau bouillante pour couvrir les câpres. Vous fermerez hermétiquement le pot et laisserez macérer au frais, au sec et à l’ombre quelques semaines. Au moment de les servir, rincez-les pour les dessaler. Les boutons de marguerite sont tout aussi bons en tant que câpres que ceux des pissenlits.

Moment zen à nul autre pareil que cette patiente cueillette dans les règles de l’art de perdre son temps en le rentabilisant. Pensons à leur mariage avec le mesclun de juillet : les câpres-maison sont un pur poème.


Auteur/trice

Chroniqueuse autodidacte pour L'Indice bohémien et pour le Journal Le Pont de Palmarolle. Les sujets couverts touchent, entre autres, l'actualité, la lecture, le jardinage, le végétarisme, l'interprétation de l'objet patrimonial, les arts visuels, le portrait, l'amour de la nature et de la culture. Prix de l'AMECQ 2019 pour la meilleure chronique Notre région a cent ans.