Depuis le 15 mars jusqu’au 28 avril on peut voir, à la Galerie du Rift, l’exposition solo de Brigitte Toutant intitulée À la poursuite du bon sens, pour dommages et intérêt où l’artiste invite le spectateur à explorer le chaos. Constituée de nouvelles œuvres réalisées grâce à une bourse obtenue en 2012 dans le cadre du Fonds dédié du Conseil des arts et des lettres du Québec, cette exposition s’inscrit dans la continuité de Voyages de synthèse présentée à l’Abstracto en mai 2012.

L’artiste est ravie de cette invitation du directeur général de la Galerie, Jean-Jacques Lachapelle. Abonnée depuis quelques années aux grands chantiers des 1%, cela lui a permis de poursuivre sa recherche picturale sans pression. Au moment de l’invitation, quelques œuvres avaient déjà été réalisées. Il ne lui restait donc qu’à continuer le travail déjà entrepris. C’est un luxe que les artistes ne peuvent pas souvent s’offrir… si on peut appeler ça un luxe!

Le point de départ de ce processus entamé en 2012 est une banque de photographies, issue d’un appel au public, dans laquelle elle puise librement. Elle associe deux images, parfois complètement disparates, d’autres fois avec certaines parentés, afin de provoquer chez le spectateur un déséquilibre. Même si Brigitte Toutant travaille l’image de manière très réaliste, elle essaie d’aborder celle-ci comme s’il s’agissait d’une abstraction, forçant le spectateur à tolérer les dichotomies qui, fatalement, s’installent dans ses associations. Seul l’aspect esthétique guide ses choix!

En fait, l’idée de départ était de voyager via les photographies que le public lui avait fournies. D’où le titre de la première exposition, Voyages de synthèse. Le voyage était dans le choix des images qu’elle effectuait, mais également dans les associations d’images à l’intérieur des tableaux. Elle s’est d’ailleurs découvert, à cette occasion, une affinité particulière pour le format 42 pouces par 42 pouces, ce qui peut paraître étonnant dans la mesure où un format carré est toujours un défi à habiter pour un artiste.

Cependant, cela est moins surprenant dans une perspective abstraite. Le carré, contrairement au rectangle, ne commande pas un sens de lecture. Il contrecarre notre conditionnement de lecteur d’œuvre. Il nous abandonne à nous-mêmes et laisse notre regard errer en lui (comme le cercle d’ailleurs). Par conséquent, cela permet à l’artiste de créer le chaos : par la forme et par le fond. 

C’est le paradoxe même du travail de Brigitte Toutant; sous des images hyper léchées, séduisantes, sécurisantes par leur réalisme et réalisées avec une habileté consommée, se cachent des abîmes insoupçonnés et surtout insoupçonnables. Dans chaque tableau, deux images cohabitent. Entre les deux, un gouffre dans lequel l’artiste nous invite à nous perdre. Comme Alice dans le terrier du lapin.


Auteur/trice