La première fois où j’ai mis le pied dans la maison de madame Hélène Gaudet-Lessard, la mère de ma meilleure amie, le tic-tac d’un métronome battait la mesure, accompagnant les notes timides d’un élève au piano. Il faut dire que ce son rythme le quotidien de la famille depuis des lustres.
En effet, madame Gaudet-Lessard donne des leçons de piano depuis son tout jeune âge. Dès 5-6 ans, elle joue à l’oreille sur les divers pianos que son père, commerçant du village de Béarn, rangeait dans le hangar. Éprise de musique, elle adore l’instrument et s’entête à vouloir apprendre à en jouer, auprès d’un voisin nouvellement arrivé de la grande ville. Sa famille n’étant pas riche, l’ingénieuse Hélène troque ses premiers cours de musique contre des fruits et des légumes rapportés par son père lors de ses voyages d’affaires. Pour pouvoir suivre son cours d’enseignement primaire à l’école normale de Ville-Marie, sa mère lui pose une condition : apprendre la musique à ses frères et sœurs. L’aînée des 12 enfants Gaudet-Lessard commence ainsi sa carrière de professeure qui perdure depuis plus de 70 ans. «C’est devenu un principe de vie pour moi, de redonner au suivant. La transmission c’est important pour ne pas perdre le fil».
Son goût pour la musique lui vient sans doute de sa mère qui, d’aussi loin qu’elle se souvienne, chantait toujours. «En fait, ma vie est une chanson», affirme-t-elle. Mère de 5 enfants, grand-mère de 13 petits-enfants et de 7 arrière-petits-enfants, enseignante, femme d’affaires, directrice de chorale, professeure de musique et bénévole infatigable, elle s’est toujours investie dans la communauté pour retransmettre sa passion de la musique ainsi que la persévérance nécessaire à la maîtrise son art. Elle a d’ailleurs obtenu plusieurs prix soulignant son implication, tant dans le monde des affaires que dans les domaines de l’enseignement et de la culture.
«Chez nous, même si on vivait collés sur la nature, nous n’étions pas tellement du type chasse, pêche et motoneige. Mais les livres, les voyages, les films et surtout la musique faisaient partie de notre quotidien. Ma mère n’a jamais arrêté d’apprendre et d’enseigner la musique, même aujourd’hui. Elle s’est toujours impliquée dans le domaine de la culture, sans relâche! C’est son gaz! Pour ma part, une des passions qui m’a suivie toute ma vie c’est la musique et je sais de qui ça vient!», de dire sa fille Monique.
Femme de lettres et de musique, Hélène Gaudet-Lessard recevait, en septembre dernier, des mains de nul autre que monsieur Joseph Rouleau, président de la Fondation des Jeunesse musicales du Canada (JMC), lors d’une cérémonie commémorative tenue au Centre d’arts d’Orford dans les Cantons de l’Est, la Médaille du jubilé de diamant de la Reine Élizabeth II. Ce prix vient souligner sa contribution exceptionnelle au rayonnement national des arts et de la musique depuis 1987 et, en particulier, en tant que présidente des JMC. – Secteur Témiscamingue.
«Par la musique il n’y a pas de limites, pas de frontières. C’est ce que m’inspire ce prix. Au-delà du Québec, du Canada et de partout dans le monde, la fierté de voir de jeunes musiciens très prometteurs et talentueux se produire sur des scènes régionales, nationales et internationales et ainsi contribuer au lancement de leur carrière, c’est extraordinaire!»
Aujourd’hui, à l’aube de ses 83 ans, Hélène Gaudet-Lessard se demande bien qui prendra la relève à la barre des JMC du Témiscamingue. L’organisme, sous sa présidence, a accueilli une centaine de concerts dont certains de grandes envergures tel que celui de l’artiste Marc Hervieux.
À son avis, la musique classique doit être véhiculée et promue au même titre que n’importe quel art et elle souhaite que tous ceux qui ont le goût et le talent pour la musique aillent au bout de leur passion avec détermination et persévérance, pour le plus grand bonheur de tous.