Il y a quelques années, n’importe quel artiste sensé aurait eu comme aspiration de réaliser une tournée des grands théâtres de la région, qu’ils soient du Cuivre, des Eskers ou du Rift, ou à tout le moins de fouler les planches des scènes intermédiaires comme la salle Félix-Leclerc ou le Petit théâtre du Vieux Noranda. Marie-Hélène Massy-Émond, Dylan Perron et Louis-Philippe Gingras, trois des plus brillants artisans de chansons d’ici, ont plutôt choisi de partir à la conquête d’un bar de Lebel-sur-Quévillon, d’un centre récréatif de Rémigny et d’une église d’Angliers, quitte à se plonger les pieds dans le gumbo et à arpenter les chemins de garnotte, mais toujours avec la légèreté du crème soda… C’est ce qu’ils feront au cours d’une tournée de 10 spectacles dans autant de communautés rurales.
« Nous sommes trois musiciens qui avons décidé de ne pas attendre et de travailler chez nous », explique Louis-Philippe. « C’est un test, juge pour sa part Marie-Hélène. On se dit que si on réussit à faire 10 spectacles dans une région de 150 000 personnes, on serait peut-être capables de faire la même chose au Saguenay, et rendre une tournée plus profitable que si on ne sort de la région que pour faire deux spectacles. »
Le choix de se rendre dans des milieux ruraux comme Macamic ou Notre-Dame-du-Nord n’est pas anodin, surtout pour Marie-Hélène. « Je vis dans un village, je génère mes œuvres à partir de ce lieu qui m’habite. J’avais envie de partager mon matériel avec des gens qui vivent aussi cette réalité, d’aller en jaser avec eux. » Même l’urbain Louis-Philippe Gingras y voit des avantages : « J’ai joué de temps en temps dans des petites places, et presque chaque fois le public est vraiment l’fun et attentif. Ce sont des gens en quête de culture, mais qui n’y ont pas toujours accès. »
La fête au village
Les trois artistes ont la particularité d’être de véritables virtuoses et d’avoir lancé – ou de lancer bientôt, dans le cas de Louis-Philippe – un premier album. « Nous avons des racines communes dans le folk et le country, explique celui-ci, mais avec une volonté de renouveler ces genres, avec un langage propre aux gens d’ici. » « Ce ne sera pas un tour de chant traditionnel, annonce la violoncelliste. Chacun aura le lead de ses chansons, et les autres collaboreront. On veut que ce soit chaleureux et convivial. » Tous deux affirment rechercher l’ambiance des partys de cuisine et des veillées de village. « Y’aura pas de show de boucane », prévient Marie-Hélène.
Le trio a pu compter sur l’appui du Festival des Guitares du Monde, qui soutient la tournée tout en incluant une représentation du spectacle à sa programmation, le 24 mai au Cabaret de la dernière chance, signe que le milieu culturel est prêt à soutenir de nouvelles façons de faire. Complèteront-ils leur tournée avec un volet Asphalte, nids-de-poules et espresso allongé? « L’avenir le dira! répond Marie-Hélène en riant. On est dans le risque et on l’assume. Si on a eu du fun et et que le public répond bien, on verra… » \